30/09/2009

Lettres à Henri Paul

1ère lettre


Cher Henri Paul,


Je suis infiniment déçue, car le ton de votre dernière lettre m’a profondément choquée. J’aurais apprécié que vous évoquiez mes yeux aux couleurs de fonds marins et mes cheveux à la teinte des blés mûrs. Mais vous me décrivez les fraises charnues, que vous croquez en pensant à mes lèvres pulpeuses.


Il m’eut été agréable que vous vous rappeliez le jardin, nos regards échangés par-dessus les roses, nos confidences près du jasmin et votre baiser sur ma joue sous les bougainvilliers. Au lieu de cela vous imaginez des seins dodus sous mon corsage blanc et vous devinez leurs pointes roses dressées vers votre bouche affamée.


Il eut été correct que vous vous souveniez de ces délicieux biscuits, dont nous fîmes collations, en devisant joyeusement sur la terrasse. Cependant vous parlez de mes fesses envoûtantes, lorsque cheminant devant vous sur l’allée de tilleuls, je répétais mon cours de danse, m’appliquant à marcher sur une ligne, ce qui avait pour effet d’accentuer le mouvement de mes hanches et d’enflammer votre cœur.


J’aurais aimé que vous me contiez votre bonheur de tenir ma petite main délicate dans la votre. Par contre, je n’ai pas bien compris l’immense plaisir que vous éprouveriez à amarrer ma barque à votre bitte, ni votre désir de vous occuper de ma chatte.


Henri Paul, je suis encore trop innocente pour comprendre la verdeur de vos propos, qui empourprent mes joues et trempent ma petite culotte. J’aurais dû jeter votre lettre, car cela s’est reproduit à chaque relecture et j’ai épuisé mon stock de lingerie.


Henri Paul, laissez mon petit chaton en dehors de tout cela ! Mon pauvre minou est tout retourné par tant d’émois. Tantôt il miaule et pleure, tantôt il ronronne et se fait caressant.


Lui et moi attendons avec impatiente votre prochaine lettre, qui je l’espère saura nous apaiser.


Mes amitiés à votre soeur.


Marie Solenne.


2ème lettre

Cher Henri Paul,


Toute la semaine j’ai attendu votre lettre, guettant le passage du facteur en compagnie de mon petit chaton. Lui et moi étions très impatients de vous lire à nouveau. Hélas ! Notre attente est restée vaine et pour tromper notre ennui, chaque jour nous avons lu et relu votre lettre de la semaine dernière.


Henri Paul ! Qu’il me serait agréable de vous entendre évoquer le bonheur de croquer les fraises charnues de votre jardin !


Oh Henri Paul ! Souvenez vous encore de ce que vous aperçûtes à travers le fin linon de mon corsage blanc !


Peu importe la couleur de mes yeux et celle de mes cheveux ; oubliez la terrasse et les délicieux biscuits ! Henri Paul, redites moi plutôt l’enchantement de votre cœur sous l’allée des tilleuls, lorsque devant vous je m’appliquais à répéter quelques pas de danse.


Henri Paul ! Contez moi encore de votre amour de la navigation. Vite ! Expliquez moi ! Comment fait-on pour fixer les barques sur les bittes d’amarrage ?


Oh oui ! Dites moi tout ! Je voudrais tout apprendre de vous.


Dites le moi vite ! Quand reviendrez vous caresser mon petit minou ? Il miaule et pleure lorsque ensemble nous évoquons votre souvenir. Je le caresse alors doucement et il se met à ronronner de plaisir.


Oh oui encore ! Redites moi tout cela ! Moi, je vous décrirai le rouge de mes joues et mes petites culottes trempées. Je vous dévoilerai la pointe de mes seins en quête de votre bouche affamée.


Oh oui, Henri Paul ! Et le mouvement de mes hanches et mes fesses envoûtantes...


Oh Henri Paul, venez vite ! Je vous espère à chaque minute et les heures passées sans vous voir s’alignent sur ma mélancolie.


Réveillez-moi Henri Paul ! Venez me prendre, je n’attends que vous ! Et mon petit minou aussi !


Mes amitiés à votre sœur.


Marie Solenne.


3ème lettre


Mon Cher Henri Paul,


Quel coquin vous faites ! Comme vous parlez délicieusement des fraises charnues que vous croquiez en pensant à mes lèvres pulpeuses. Et ce ton savoureux que vous mettez à espérer mes pointes dressées vers votre bouche affamée. Ou encore le plaisir d’amarrer ma barque à votre bitte (avec un ou deux « t », je ne sais plus). Comme vous savez parler aux femmes Henri Paul ! Que votre prose est douce à lire et à relire !


Sachez Henri Paul, que chez mon amie Marie Solenne, je suis tombée par inadvertance sur la lettre que vous lui écriviez le 15 septembre. Je n’avais aucunement l’intention de la lire et si je m’en suis saisie, c’est parce que je pensais qu’il s’agissait de la mienne, celle que vous m’aviez écrite trois jours plus tôt. Je me suis demandée ce qu’elle faisait là et je suis allée illico presto, m’enquérir de quelques explications auprès de Marie Solenne.


Vous imaginez son étonnement et mon embarras. Tout d’abord son étonnement de me retrouver avec sa lettre entre mes mains et ensuite mon embarras quand j’ai réalisé qu’effectivement, elle lui était bien adressée. Puis l’étonnement à mon tour, lorsque j’ai réalisé qu’elle était quasiment mot pour mot, la copie de celle que vous m’aviez adressée le 12 septembre.


Je vous passe mon malaise, d’avoir à justifier la raison de ma visite dans le tiroir du secrétaire où Marie Solenne avait rangé sa lettre et sa surprise de m’entendre lui répondre que je l’avais trouvée sur le sofa, entre les pattes de son petit chaton ronronnant de plaisir.


Finalement, Marie Solenne et moi sommes redevenues amies et aujourd’hui nous avons partagé la lecture de notre correspondance. Imaginez-nous ! Chacune avec son coffret ouvert sur les genoux, chacune votre lettre en main, lisant les mêmes mots, au même moment : nos seins dodus sous nos corsages blancs, nos fesses envoûtantes sous l’allée des tilleuls, votre plaisir de caresser nos chattes. Nos petites culottes se souviennent encore de nos éclats de rires.


Après vous ce fut le tour d’Olivier Pierre, puis celui de François Xavier et de Charles Hubert. Ce cher Charles Hubert qui puise son inspiration dans les romans épistolaires. Mais je dois vous laisser, car Marie Solenne me réclame pour lui expliquer comment amarrer sa barque.


Mes amitiés à votre sœur.


Anne Chantal.