25/12/2009

Marilyne


Le buste droit, les épaules en arrière,

Marilyne avance, de sa démarche altière.

Elle ondule de la nuque aux épaules, de la poitrine au ventre

Et l’onde se propage des hanches jusqu’aux jambes.

Ses longues jambes qui n’en finissent pas

D’atteindre le sol où elle pose son pas.


Parcourant le podium

Elle va féline et fière

Devant tout un parterre

D’initiés de la mode.


Elle porte sur sa tête toute l’Afrique et le souvenir d’Hawa.

Hawa petite fille, le long du fleuve Niger.

Qui va, cruche remplie dans les pas de sa mère.

Qui maniant le pilon, vibre et ondule au rythme de la conga.


Il est des fleurs qui poussent le long du fleuve Niger

Pour éclore dans les vases des salons d’occident.

Hawa est une de ses fleurs qui passa la frontière

Un jour ou le Mali ne savait plus nourrir ses enfants.


Et voguait la galère

De Gao à Paris

Déjà féline et fière

Hawa mordait la vie.


Balayant, récurant, dans les arrières salles et dans l’ombre des cours

Elle se fit invisible, évitant les contrôles, sans papiers, sans recours.

Et puis un jour, un jour d’été, un jour d’Afrique et d’épaules bronzées

Sans crainte, sans se cacher, elle s’en vint faire un tour sur les Champs-Élysées.


Le buste droit, les épaules en arrière,

Hawa avançait, de sa démarche altière.

Tandis que l’œil du photographe l’avait repérée,

Ondulante et pleine de toute son africanité.


Les photos sont sorties et Hawa a gagné

Le nom de Marilyne inscrit sur ses papiers.



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19/12/2009

Ils n’ont jamais gardé les vaches ensemble.


Ils n’ont jamais gardé les vaches ensemble, mais de nos jours, qui garde encore les vaches, alors qu’il suffit juste de brancher la clôture électrique, pour qu’elles se gardent toutes seules ? Il a donc branché la clôture électrique et les voilà tous deux partis à la recherche d’une meule de foin, afin de batifoler au milieu des herbes sèches. Cependant à l’heure du round baller, allez donc trouver une meule de foin, capable d’accueillir un couple d’amoureux ! Vous les imaginez, tous les deux perchés en équilibre sur une balle ronde, se conjuguant dans des postures acrobatiques ! Optant pour des jeux simples, ils ont préféré partir plus loin, caracoler tous nus dans la rivière. Là c’était les algues vertes, les rejets nitriques et les effluves nauséabondes qui les attendaient. Déçus, mais pas dépourvus, ils se sont rhabillés et il l’a emmené faire un tour sur son tracteur.


Un magnifique tracteur vert de cent cinquante chevaux, avec fauteuil à suspension pneumatique, son stéréo Hi-fi, cabine insonorisée, air conditionné et vitres teintées. Ils se sont fait tout les Beatles remasterisés en fanant le pré de la grande Noue, cinq hectares, soixante quinze ares et douze centiares. Tantôt c’était lui qui était aux commandes, tantôt c’était elle. A la fin, l’herbe était en vrac et totalement fanée, tandis qu’elle était toute fraîche et complètement emballée. Et puis ce fut l’heure de la traite.


Elle se faisait une joie de presser le pis des vaches pour en extraire le bon lait chaud. Mais que nenni ! Fini le massage des mamelles laitières ! En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le pis est lavé, désinfecté et connecté au réseau qui va en quelques secondes, extraire le lait et le refroidir, avant qu’un microbe n’ait l’idée de s’aventurer jusqu’à lui. Elle qui avait rêvé d’un bain de lait chaud, dans un grand baquet de bois, elle a vite réalisé que tout se passait en circuit fermé dans l’inox, le verre et le froid. Dans un décor de laboratoire high tech, elle est restée éberluée à regarder se dérouler les temps modernes de la salle de traite et Charlot s’activer sur le Dixit Dominus de Handel. Car si la vache rumine avec un air bovin, ce n’est pas pour autant qu’elle n’apprécie pas la grande musique et le Charlot aussi.


Elle est revenue le lendemain, espérant un autre tour de tracteur, mais il était déjà parti, étendre son fumier sur les Champs Elysées, afin d’y récolter des subventions.


Elle a marché très loin remontant la rivière. L’odeur nauséabonde avait disparue depuis longtemps, lorsqu’elle est arrivée à sa hauteur. Allongé dans l’herbe, il regardait ses vaches paître la fétuque des prés, le trèfle et le sainfoin. Quand elle lui a demandé pourquoi il n’avait pas de clôture électrique, il a montré ses chiens. Puis, il l’a prise par la main pour l’emmener batifoler dans une meule de foin et jouer dans la rivière. A l’heure de la traite, elle a pressé le pis des vaches et bu le lait tiède à même le seau. De sa langue, il a retiré la mousse qu’elle gardait sur ses lèvres.


Demain, elle reviendra garder les vaches avec lui !



06/12/2009

Kriss


Kriss est partie « sur un air de poissons volants ». Sa voix à fleur de peau, à fleur de cœur, ne résonnera plus sur les ondes de France Inter.

C’est en se rasant ce matin que Jean Pierre a appris la nouvelle et sous le coup de l’émotion, il s’est un peu râpé le menton. Ensuite la tristesse lui est tombée dessus. Avec le départ de Kriss, c’est toute sa jeunesse qui fout le camp et dans la buée s’élevant au dessus de son bol de café, il regarde défiler les années.

Il se revoit, lorsque coincé dans les embouteillages, il écoutait FIP pour ne pas devenir fou. C’était dans les années soixante dix, il avait vingt ans et la voix acidulée de Kriss annonçait sensuelle, entre Albinoni et Stan Getz « Les bretelles de l’autoroute du sud ne sont pas élastiques ce soir » ou encore « ce n’est pas parce que l’ennui est la mère de tous les vices, qu’il faut en profiter boulevard Saint Germain ».

Lui il était fou amoureux de Kriss. Il ne l’avait jamais vu, mais il imaginait une petite blonde, belle, joyeuse et décalée, avec sa voix « en forme de minijupe ». Ah, la voix de Kriss ! C’était une gourmandise sucrée, une saveur espiègle qui faisait rêver Jean Pierre. Kriss s’était sa muse, son idéal féminin.

La fipette a grandi, elle est passée sur France Inter et Jean Pierre s’est mis au vélo. Souvent il la rejoignait, « l’oreille en coin », le dimanche après une grasse mat’. Devenue Kriss Graffiti, elle dessinait des mots avec humour et impertinence. « Auditrices de ma vie, auditeurs de mon cœur, il vous arrive parfois de trouver votre vie quotidienne ennuyeuse… » et Jean Pierre buvait ses paroles .

« A cœur et à Kriss », elle livrait ses histoires, en « roue libre ». Agitatrice d’immobilités, avec légèreté et profondeur, elle dressait pour son « peuple secret des ondes », des « portraits sensibles », dans des interviews intimes, hors des sentiers battus, qui laissaient Jean Pierre tout ému.

La Kriss dénichait les rêves et livrait ses crumbles : « Et si on pouvait prendre de la cervelle en vieillissant, au lieu de prendre du ventre ! » Ou encore : « Est-ce bien raisonnable de déranger les satellites pour nos élucubrations ! » Et Jean Pierre jubilait.

Puis elle rendait l’antenne sur ces mots « La Kriss vous embrasse, c’est dimanche et c’est légal » et Jean Pierre s’en allait danser le cœur léger.

Ce matin Jean Pierre est là, devant son bol de café qu’il n’arrive pas à avaler. Il voudrait pleurer, libérer toutes ses larmes coincées au fond de sa gorge. Autant de larmes que de femmes rencontrées. Aujourd’hui il réalise que chez toutes ces femmes, c’est un peu Kriss qu’il cherchait.


Pour retrouver la voix de Kriss :

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/ev/fiche.php?ev_id=1037

http://www.aventure-apple.com/france/audiomac/audiomac2.html


02/12/2009

Chère Bertille


J’ai hésité longtemps pour cet après midi. Est-ce que j’irai au salon Marjolaine ? Il parait qu’on y déguste d’excellents vins et des fromages délicieux. Le tout bio, bien évidemment. C’est le moment, car j’ai budgété de me composer une petite cave.

Cependant, j’ai appris qu’il y a aussi le salon du « nouveau départ ». Depuis le temps que je l’attends ce redémarrage, ma vie affective est un tel désert ! Et si c’était l’occasion de me trouver enfin un mec ? Mais ce matin, j’ai entendu aux infos, que la fréquentation était essentiellement féminine.

Il me reste encore la marche pour la Paix et le salon de la Courtoisie. Je suis pour la paix, mais contre la marche. J’ai mes oignons qui me font mal ces jours-ci.

La courtoisie, ça se fait encore ? C’est un peu « has been » non, depuis que le président fait dans le « casse-toi pauv’con » ?

Finalement Bertille, j’ai envie de venir à ton atelier d'écriture. Avec un peu de chance, je vais y rencontrer un mec, déguster des trucs bios le petit doigt en l’air, en parlant de la paix avec élégance.