28/06/2010

L’amour du pouvoir et le pouvoir de l’amour


Il y a ceux qui ont l’amour du pouvoir et ceux qui ont le pouvoir de l’amour, mais lui il a les deux.


Quand il plonge ses yeux dans les miens en déclarant qu’il n’aime que moi, quand je sens son cœur vibrer d’émotion tout contre le mien, comment pourrais-je en douter ? Quand le lendemain il disparaît au milieu d’une phrase, quand le surlendemain et les jours d’après il n’est pas réapparu et que soudain il là finissant son propos, comme s’il ne m’avait pas quittée une seconde, l’amertume s’efface, car déjà il me prend la main pour m’emmener vers des palais où il se métamorphose en prince, où je suis sa princesse, où l’on nous congratule, l’on nous honore, l’on nous photographie et je reste éblouie. Puis il passe par des larmes remplies d’humilité, par des rires éclatants d’authenticité, par des serments aux accents de sincérité, avant de laisser éclater sa colère, parce qu’une ombre légère a voilé son reflet, parce la chute d’une plume a troublé son écoute. Et moi, je reste là consternée, impuissante.

Mais quand il m’aime comme il est capable d’aimer, c’est plus que tout ce qui peut être imaginé, c’est sans limite. Il y a de ces jours où tout ce qui peut être dit est dit, où tout ce qui peut être fait est fait.

Il y aussi les lendemains tout est dédit avec la même conviction et tout est défait avec la même force, parce qu’il est ainsi.


Mais ce matin, je suis fatiguée !



21/06/2010

Autant pour lui, au temps pour elle.


La journée commençait bien, Paul était plongé dans un rêve érotique matinal, avec Stéphanie de la dircom, celle qui fait fantasmer tous les gars du bureau, cette grande blonde athlétique avec ses longues jambes qui n’en finissent pas de s’échapper sous sa mini jupe. Tandis qu’elle lui glougloutait le poireau, lui lubrifiait le piston et lui scalpait le mohican de sa bouche pulpeuse, à l’autre bout Sophie lui roulait une large pelle et de sa langue fine et vigoureuse, elle tricotait avec la sienne, pour lui astiquer le palais et lui dégourdir les papilles. C’est à ce moment là que dans la rue, l’avertisseur de recul de la laveuse de trottoirs s’est mis en route, laissant notre Paul sur green, comme une balle de golf qui aurait fini sa course juste au bord de son trou.


Quand la laveuse de trottoirs est repartie en avant, pour disparaître dans la rue Didot, Paul a essayé de se rendormir avec la ferme intention de retrouver son rêve. Mais c’était trop tard, il était bel et bien réveillé ! Alors tout émoustillé, il s’est retourné vers Sophie qui dormait profondément près de lui. Il a commencé doucement à promener ses mains sur les seins et le ventre de sa compagne, qui s’est mise à ronronner sans vouloir se réveiller complètement. Puis il s’est lentement glissé sous les draps, pour aller lui faire un kiss-minou, avant de lui sucer la friandise et de lui chatouiller le bijou. Sophie ronronnait toujours en frétillant du popotin.


Et puis n’y tenant plus, à l’heure où les boulangers sortent les derniers bâtards, lui il a enfourné sa baguette. C’était plus que chaud, c’était brûlant. C’était comme s’il avait mis son petit diable dans l’enfer et il n’avait pu se retenir bien longtemps, laissant Sophie sur le bord de la route.

- Autant pour moi, s’excusa-t-il tout de suite.

- Au temps pour toi ? tiens donc ! s’étonna-t-elle, et bien voyons cela !

Sophie dirigeait déjà sa main vers le sexe de Paul, afin d’en vérifier la vigueur et constater que celui-ci était de devenu comme un petit oiseau tombé de son nid.

- Mais enfin, qu’est que tu veux Sophie ? Je reconnais que je suis allé trop vite et je m’en suis excusé, autant pour moi !

- Oui mais au temps pour toi, ajouta-t-elle d’un air ironique, cela signifie que tu prétends recommencer !


Et là voilà partie dans la signification étymologique de cette expression. La seule, la vrai, celle donnée par l’académie française ! Celle qui tire son origine du langage militaire « au temps » utilisée pour commander la reprise d’un mouvement depuis le début. Puis cette formule aurait glissé vers le sens figuré actuel : ainsi prononce-t-on cette locution pour admettre une erreur, en signifiant que l’on va reconsidérer la question. Tandis que le « autant pour moi », la forme elliptique de « c’est autant d’erreur que l’on peut mettre à mon actif » ne se justifie en rien du point de vue de l’académie. Une autre théorie postule que la graphie « au temps pour moi » serait en réalité une forme pédantesque de « autant pour moi » tandis que celle des origines militaires de l’expression ne serait qu’une légende…


Paul n’écoutait plus, il n’aimait pas quand Sophie se mettait à jouer la maîtresse d’école. Et maintenant, autant pour elle que pour lui, il serait bien retourné, sans tracasseries étymologiques, lui titiller le boulingrin et lui bouloter le mille feuilles. Mais tant qu’elle était occupée à l’étage supérieur à se masturber l’intellect, ce n’était pas la peine de tenter une descente à la cave.


14/06/2010

Le laveur de vitres


Quand Abdelatif Benali sonne à la porte de Katia Bronskaïa comtesse de la Ferrière, il est inquiet. Cela fait maintenant vingt ans qu’il vit en France, où il exerce son métier de laveur de vitres sur toutes sortes de bâtiments : de la tour au simple pavillon et de l’usine au grand magasin. Cela fait vingt ans qu’il manie l’éponge sur des surfaces vitrées de toutes dimensions, vingt ans qu’il dirige ses raclettes, suspendu par un harnais au bout d’une corde ou accroché dans une nacelle. Cela fait vingt ans qu’il négocie avec des commerçants, des banquiers, des industriels et des politiciens de toutes sensibilités. C’est vous dire s’il connaît son métier ! Mais c’est la première fois qu’il se présente chez des aristocrates et les us et coutumes de ce monde là, sont un mystère pour lui. S’il avait eu le temps il se serait informé, comme il le fait toujours, car Abdelatif ne laisse rien au hasard. C’est d’ailleurs grâce à cette rigueur et à la qualité de son travail, que l’entreprise Benali de la rue Didot prospère depuis vingt ans.

Maintenant, devant la porte de Katia Bronskaïa, Abdelatif Benali repense à cet appel téléphonique, qui l’a amené à bouleverser son planning. La comtesse de la Ferrière donne une soirée pour fêter l’arrivée du printemps et toutes les surfaces vitrées de la maison doivent être impeccablement nettes, afin de laisser passer la lumière du renouveau. Il a déjà suffisamment de travail comme ça et il aurait refusé s’il n’y avait eu cette voix ! Une voix, tantôt profonde et grave pour exprimer l’urgence, tantôt fraîche et légère pour l’inviter à accepter. Une voix douce et suave, une voix envoûtante, qui a touché en plein cœur, le laveur de carreaux. Et le voilà à présent, avec son matériel autour de lui, pressant sur la sonnette, devant la porte de l’hôtel particulier. Quelques instants plus tard, une soubrette l’introduit dans le vestibule. Quelques instants encore et la comtesse apparaît vaporeuse, au sommet de l’escalier, dans la mousseline blanche de son déshabillé.

Il la regarde descendre et son cœur bat à tout rompre. Vite ! trouver ce qu’il faut dire et faire dans une telle situation ! Quelques marches les séparent encore, mais déjà Katia Bronskaïa tend vers Abdelatif sa longue main fine. Une image lui vient, échappée d’un quelconque film et il s’en empare, comme il le ferait d’une bouée de sauvetage. Ainsi, lorsque la souriante comtesse de la Ferrière le rejoint sur le plancher, c’est un genou à terre qu’il reçoit la main offerte et avec la plus grande délicatesse, il la porte à ses lèvres pour y déposer un baiser sonore autant que généreux.
- Madame, ji mi tiens à voutri disposition pour le nittoyage di tous vos carreaux ! lui déclare-t-il avec un léger reste d’accent de son pays natal, dis-moi ci que ji dois faire et ji ti li fais tout di suite !

Katia Bronskaïa ne bouge pas, sa petite main fragile contenue dans une poigne virile. Elle vit pleinement le contact des lèvres humides écrasées sur sa peau et le souffle chaud remontant le long de son poignet vers son bras. Elle est là debout, la tête légèrement en arrière, la bouche entr’ouverte, les yeux fermés. Une onde de frissons parcourt son corps tout entier. Elle resserre son sexe sur son désir. Elle vibre, elle va crier, elle se retient. Un « oh !» à peine perceptible, s’échappe de ses lèvres, que le laveur de carreaux n’entend pas, tout occupé qu’il est, à admirer une si jolie main. Une main blanche et parfumée, une main lisse et douce, c’est donc cela une main aristocratique !

Lorsque Katia Bronshaïa la récupère lentement, Abdelatif Benali est rassuré, il sait qu’il a eu la bonne intuition.