02/11/2011

Une femme extraordinaire


Cela faisait environ dix kilomètres que Joseph roulait sur la réserve et il venait juste de passer devant une station service sans s’arrêter, lorsqu’une voix de femme le fit sursauter. « Il serait temps de penser à remettre du carburant ! », disait cette voix. Il s’apprêtait à lui répondre que pour sa collection de points de fidélité, il ne s’arrêtait que chez Mobil, lorsqu’il réalisa qu’il était seul dans l’habitacle. Il lui revint alors, que sa nouvelle voiture était équipée des dernières nouveautés technologiques de conduite assistée. Il roula encore soixante kilomètres avant de tomber sur la station, qui pour un plein lui offrirait les quarante cinq points de fidélité, le rapprochant de la trousse à outils convoitée. Avec régularité, la voix de la femme venait lui rappeler qu’il serait temps de penser à remettre du carburant, mais Joseph la laissait dire.

Cela faisait maintenant dix ans qu’il était divorcé et il avait fini par s’accommoder de sa solitude. Toutes ses tentatives de rencontres s’étaient soldées par un échec, les femmes étaient assurément très compliquées. Mais celle-ci qui, sur un ton égal et courtois, lui répétait inlassablement qu’il devrait penser à remettre du carburant, commençait à lui plaire. Pendant qu’il jouissait du plaisir de faire la sourde oreille à ses remarques, elle revenait régulièrement, sans s’énerver, lui répéter qu’il serait temps de penser à remettre du carburant. Et quand, deux cent mètres avant la station Mobil, le moteur s’était mis à tousser, elle ne lui avait pas hurlé dans les oreilles, « tu vois bien, je t’avais pourtant prévenu, mais comme d’habitude, tu ne m’écoute jamais ! ». Quand il avait, tout seul, essoufflé et dégoulinant de sueur, poussé sa voiture jusqu’à la pompe, elle ne lui avait pas dit « t’as bonne mine maintenant, en rade avec ton super gadget ! ». Non, elle n’avait rien dit !

Après avoir fait le plein et soigneusement rangé les quarante cinq points de fidélité, dans le portefeuille de la boîte à gants prévu à cet effet, Joseph programma le système de navigation assisté. Lorsqu’il eut mis le contact, la voix lui annonça d’un ton toujours égal, le nombre de litres de carburant disponible et l’estimation des kilomètres pouvant être parcourus avec cette réserve. Elle annonça encore la température extérieure et intérieure, puis Joseph démarra. La voix lui indiqua alors de prendre à gauche sur la rue Edouard Vaillant, mais lui, il préféra continuer tout droit sur le boulevard Jean Jaurès, car il voulait passer devant les cinémas. Qu’à cela ne tienne, elle recalcula la route, lui proposant de prendre la prochaine à gauche sur la rue Gabriel Péri, mais Joseph décida de continuer encore sur le boulevard Jean Jaurès, car il voulait s’arrêter à la boulangerie. En repartant, elle proposa encore fois de prendre à gauche, l’avenue Max Dormoy. Et là, rien que pour éprouver la patience de cette femme, Joseph tourna à droite, sur l’avenue du Général De Gaulle. N’importe quelle femme de sa connaissance se serait déjà mise en colère, mais elle, calmement elle s’adaptait et continuait à lui proposer la prochaine à gauche sur la rue Paul Vaillant Couturier.

Ce soir là, Joseph traversa plusieurs fois la ville et rentra tard chez lui. C’était si bon d’être avec une femme calme, disponible et prévisible, quoi qu’il arrive !


09/10/2011

Sortir le chien

Comme tous les soirs à la même heure, je suis en train de faire le tour du pâté de maisons, accrochée au bout de la laisse, tirée par le chien. Comme tous les soirs, il renifle les coins de trottoir, le bas des murs et le pied des arbres. De temps à autre il lève la patte, puis il reprend sa marche débile, la queue en l’air. Il a le même allure idiote qu’ont tous les chiens, lorsqu’ils trottinent en nous offrant le spectacle affligeant de leur derrière, se tortillant au rythme de leur déambulation.

Puis, à force de mouvements, vient le moment ou il s’immobilise dans cette posture sidérante de vulgarité : il s’aplatit le derrière au sol, prend l’air de celui qu’il ne faut pas déranger, tant ce qu’il a à faire est important. Puis il se relève, renifle sa production et repart, dirigeant ses pas vers un sac poubelle suspendu à son support, à une longueur de laisse de là.

Moi, en apnée, la main enveloppée d’un sac plastique prévu à cet effet, je saisis la matière encore fumante ; puis je retourne le sac et enferme le tout, pendant que cet idiot de chien attend debout, en appui sur le support de poubelle, que je vienne y déposer son œuvre. L’opération terminée, comme rassuré, il repart tout guilleret, la queue toujours en l’air, vers la rue suivante.

Si nous croisons une femelle de son espèce, traînant dernière elle, un ahuri de mon acabit, en train de faire le tour du pâté de maisons dans l’autre sens, ils s’excitent et nous nous embrouillons dans les laisses. Pendant que les deux autres se poupounent la truffe et se flairent le trou de balle, l’ahuri me raconte la dernière portée qu’il a fallu chloroformer, à cause que sa belle était allée fauter avec un bâtard, le jour où le mécanisme de l’enrouleur s’étant enrayé, il avait dû la libérer de ses attaches. Il n’est donc pas question, que mon roturier de ienche aille forniquer avec l’aristo et lui polluer sa race ! Nous atteignons les sommets de l’absurde !

Repue d’aventures canines et vespérales, je rejoins mes quartiers, après avoir convaincu le manant, que l’autre n’était qu’une pimbêche. Et pour le remercier de tant d’obéissance je le détache. Au lieu de profiter de sa liberté, pour aller voir ailleurs, cet imbécile s’empresse d’aller m’attendre devant la porte de l’immeuble. Assis sur son derrière, il me regarde venir avec un air de soumission qui le rend si pathétique, que je ne peux m’empêcher d’avoir pitié de lui.

Qu’est que je fais avec ce chien ? C’est ce que je me demande tous les jours, depuis que les croquettes ont investi ma cuisine, depuis que je ressors du canapé couverte de poils, depuis qu’une odeur de fauve a envahi tout l’appartement. Depuis qu’amoureuse de son maître, je les ai accueillis tous les deux sous mon toit.


17/09/2011

Le bistrotier de la rue Didot


Prétendre que je ne verrai que lui, ça alors ! Remarquez, avec un prénom pareil, ça doit se voir ! Car vous en connaissez beaucoup vous, des Philibert ?

Je crois d’abord que c’est juste le pseudo, qu’il a choisi en souvenir des vacances de son enfance à Saint Philibert, comme d’autres choisissent Brévin en mémoire de leurs étés au bord de l’océan ou Nazaire juste en face de l’autre coté de l’estuaire. Mais Philibert comme prénom ! Moi, je vois tout de suite le genre Tintin et j’imagine un gars en culotte de golf avec ses chaussettes blanches. Alors, vous pensez bien qu’être invitée pour un verre avec Tintin, sur le coup ça ne m’emballe pas tellement et j’hésite avant de répondre.

Et puis je me fais la remarque, qu’il n’a pas du tout la voix de Tintin. Sa voix à lui, c’est une voix très grave. Tenez ! exactement celle de Monsieur X, vous savez, celui qui chaque samedi sur France Inter, dévoile avec un timbre à vous donner des frissons et la chaire de poule, les sombres histoires et les dessous de la politique, que l'histoire officielle a curieusement passés sous silence.

Mais je vous entends d’ici vous demander, comment je reconnaîtrais la voix de Tintin, vu qu’il ne parle qu’avec des bulles ? Et à mon tour je vous interroge « Avez-vous remarqué sa bouche ? C’est juste un petit trou sans lèvres ! Dites-moi comment avec une telle bouche, on peut parler de cette voix chaude et grave à vous faire monter la libido dans l’instant ? » Ainsi donc la voix de Philibert me fait oublier son prénom et j’accepte le rendez-vous.

« Je vous attendrai à 18 heures précises au bistrot à vin de la rue Didot » ajoute-t-il de sa voix profonde et feutrée. « Mais comment je vais vous reconnaître ? » lui dis-je. « Vous ne pouvez pas me rater ! », me répond-t-il, « vous ne verrez que moi ! ». Puis il me salue et raccroche.

Ca alors, Je ne verrai que lui ! Mais pourquoi ne verrais-je que lui ? Première hypothèse : c’est un prétentieux qui ne doute pas de lui. Deuxième hypothèse : il s’habille à la mode de l’époque Philibert : monocle et col dur, montre à chaînette et canne à pommeau sculpté. Là je suis prête à renoncer !

Mais vous ai-je déjà dit que je suis curieuse ? Non, et bien sachez que le jour dit, à 18 heures précises, je me présente devant le bistrot à vin de la rue Didot. Je pousse la porte, personne ! D’une direction indéterminée me parvient l’air sifflé de la Traviata. J’avance vers le bar, ça vient de derrière. Je reconnais « Libiamo ne'lieti calici ». Je contourne le bar, l’air se rapproche. Et soudain, de la trappe ouverte sur la cave, émerge une tête rasée, puis une caisse de bouteilles posée sur une épaule et enfin un grand corps enveloppé d’un large tablier bleu. Il est maintenant devant moi, s’arrêtant juste après le « Godiamo, la tazza, la tazza e il cantico » du deuxième choeur.

C’est lui, Philibert le bistrotier de la rue Didot. Je ne vois que lui ! Et pour cause : il est seul, vu que nous sommes lundi et que c’est jour de fermeture au bistrot.

Cela fait un moment que je suis en train de vous raconter ma rencontre avec Philibert et si je vous donne tous les détails, c’est parce que Philibert, c’est pas un gars comme les autres. D’abord parce qu’il s’appelle Philibert, ensuite parce qu’il est bistrotier, et pas n’importe où ! Il est bistrotier sur la rue Didot. Un petit bar à vin, fréquenté par les bobos du 14ème, au sortir d’un ciné à l’Entrepôt, ou d’une réunion de soutien pour la sauvegarde de la rue des Thermopyles, à moins que se ne soit en revenant de planter un pied de tomate olivette, sur leur parcelle de jardin partagé, dans le Square du Chanoine-Viollet.

Pour ce qui est du troquet, je suppose que vous n’aurez pas de mal à imaginer, le lieu : une grande vitrine en fer forgé rétro, un vrai zinc en cuivre étamé, des tableaux noirs avec le tarifs écrits à la craie, des tables et chaises bistrot, sans oublier le vieux plancher sur lequel mon Philibert étale la sciure humide avant de balayer. Un authentique café pour amateurs de convivialité alternative et biodégradable, avec baguette de lecture pour accrocher le Canard, Politis et le Monde diplo. Et au milieu de ce décor, mon Philibert avec sa tête rasée, son crayon coincé derrière l’oreille et son large tablier bleu, avec sa poche ventrale d’où dépasse un carnet de commandes. Moi, ce que j’aime chez Philibert, c’est son sens du paradoxe qui va de sa propension à développer des idées novatrices et révolutionnaires, à sa fidélité envers une esthétique traditionnelle et classique. Rappelez-vous, qu’au moment où je le rencontre, il siffle la Traviata, un air qui a quitté le top 50 depuis longtemps !

Accoudée au bar, je l’observe débouchant rien que pour moi, un gewurztraminer vendanges tardives, qu’il verse avec délicatesse dans de grands verres à pied. Je profite de l’instant car tout est délicieux : son accueil décontracté ; son regard plongé dans le mien, au moment où nos verres se rencontrent ; nos nez pointés vers le liquide à la robe dorée ; le parfum de fruits jaunes, de tilleul, de caramel et de rose ; l’entendre déguster lentement, comme s’il s’en rinçait la bouche. Car pour que chaque papille profite de tous les arômes, il fait tourner le vin, tout en aspirant un peu d’air afin de l’aérer, « et ça fait des grands flchss » tout doux à mon oreille.

Je m’exerce à mon tour, je découvre avec maladresse, le goût de pêche sur le palais, les saveurs poivrées à l’intérieur des joues, le piquant sous la langue et l’arôme de litchi au dessus. Et je fais moi aussi « des grand flchss » en noyant mon regard dans celui de Philibert. Une goutte s’est échappée aux commissures de mes lèvres, qu’il vient cueillir sur mon menton avec sa langue. Nos bouches se rejoignent, nos langues se mélangent ; et d’une papille à l’autre, le vin se réchauffe, que nous aérons ensemble dans un duo de « flchss », avant de l’avaler. Puis nos bouches se séparent, l’instant d’une autre gorgée, pour mieux se retrouver. Et nos langues baignées dans les saveurs épicées de ce millésime caniculaire, puisent la légèreté et la puissance d’une matière épanouie, qui s'achève sur une finale délicatement caramélisée.

Le lundi suivant nous dégustons un Mercuray 1999, le meilleur millésime depuis 1947. Robe pourpre, belle larme, nez de cerise et petits fruits des bois. Pour Philibert qui m’aspire la langue en même temps qu’un peu d’air, la matière est à la fois délicate et expressive, elle nous réserve toute son élégance et sa finesse en fond de bouche.

Le lundi d’après, Philibert opte pour un Côte-rôtie 2000 Nez expressif de cassis, de violette, d'épices et de belle terre avec des notes animales. La bouche est parfaite, avec une belle construction reposant sur une minéralité et des tanins parfaitement intégrés. La finale est très longue comme la langue de Philibert qui vient s’immiscer entre mes lèvres.

De lundi en lundi, nous goûtons les Bourgueil, Côte de Buzet, Minervois, Saint Emilion, et autres Médoc, Juliénas et vin d’Arbois. C’est ainsi que maintenant, je dompte une attaque franche et j’apprivoise une autre plus fuyante. Je tempère un développement robuste et toise un autre charpenté. Je m’émeus d’une larme liquoreuse, je me réjouis d’une jambe marquée et je savoure une cuisse moelleuse. Mais c’est sur un final étoffé, que je jouis en fond de bouche.


27/08/2011

La 4L et le mécanicien

Mon cher Jérôme ! Permettez que je vous appelle Jérôme ? Car depuis tant d’années que vous me soulevez le capot avec lubrifiance et mécanicité, mon moteur a accumulé une immense tendresse pour vous. Vous n’imaginez pas le désir qui monte à travers mes durits, allume mes bougies et titille mes culbuteurs, dès que je vous aperçois. Emergeant de la fosse dans un coin de votre garage et vêtu de votre marcel aux couleurs incertaines, vous alarmez mes voyants de contrôle.

Mon cher mécanicien, souvenez vous de l’année dernière, lorsque ayant coulé une bielle, vous m’avez redressé le vilebrequin et rectifié le cylindre. Ô Jérôme ! Vos grandes mains poisseuses sur mes pistons et l’odeur de cambouis mêlée à votre sueur, m’ont chaviré la culasse.

Jérôme, lorsque vous frôlez ma carrosserie, avant de vous glisser sous ma jupe, pour aller me dévisser le carter et qu’ensuite, vous me refaites les niveaux, oui Jérôme, dans ces moments là, j’embraye pour vous de la calandre au pot d’échappement et tous mes clignotants s’affolent.

Lorsque avec votre cric vous me soulevez le châssis, pour aller tester mes amortisseurs, ô Jérôme, j’ai les cardans qui vrillent, les vitesses qui broutent et mon filtre à air se met à tousser. Et quand vous recalez mes coussinets, quand vous réglez mes injecteurs, quand vous me lustrez l’arbre à cames, ô oui Jérôme ! mes vis platinés perdent la tête dans le delco, mon différentiel n’emmêle dans les transmissions et je perds le contrôle de mes freins.

Au milieu de vos jeunes clientes, toutes équipées de systèmes ABS, d’airbags, et de dispositifs électroniques sophistiqués, je sais que je ne fais pas le poids. Mais je sens bien Jérôme, que vous en pincez pour ma simplicité toute mécanique, ma boite à quatre vitesses, mon alternateur à charbon et mon starter à glissière.

Mon mécanicien bien aimé, dépoussiérez-moi encore les plaquettes, retendez mes courroies, rodez-moi les soupapes, enjolivez mes jantes et recotez-moi l’argus.

Votre petite 4L bleue 256 TS 44, qui vous aime automobilement.

02/04/2011

Il chantait


Il chantait perché sur la branche d’un hêtre.

Et son chant nous contait son bonheur d’avoir construit son nid.

Le nid dans lequel sa compagne venait de pondre quatre beaux œufs.

Sa compagne, qu’il avait choisie la plus belle et la plus gracieuse.

Parmi toutes les jeunes oiselles de ce magnifique pays.

Ils avaient folâtré dans les près, ils s’étaient aimés dans les ramages.

Et maintenant elle couvait tranquille et sage à quelques sauts de lui

Bientôt, il irait la remplacer, afin qu’elle aille se dégourdir les ailes

Dans quelques jours, les oisillons briseraient leurs coquilles.

Ensuite, pour les parents ce serait un ballet d’allées et de venues.

Avec dans le bec les insectes et les vermisseaux pour nourrir la nichée.

Il chantait fièrement le bec levé vers le ciel

Comme s’il voulait raconter son bonheur à l’univers entier

Il disait que lorsque les oisillons auraient troqué leur duvet pour des plumes.

Quand ils auraient appris à se servir de leurs ailes

Alors ils partiraient ensemble vers le sud, rejoignant une nuée de voyages.

Et tous à tire d’ailes, au dessus des Pyrénéens, de la Castille et de l’Andalousie

Par delà le détroit, au dessus de l’Atlas avant d’atteindre l’erg et les oasis bleues.

Il chantait perché sur sa branche avec en arrière plan sa compagne tranquille.

Il chantait sans savoir qu’ils étaient filmés.

Il chantait sans savoir, qu’une voix off, traduirait de son chant,

Le bonheur d’avoir souscrit l’assurance IXA

Le bonheur d’être protégé contre les intempéries et les chutes de nids.

L’assurance contre le malheur, contre les prédateurs,

Et contre tous les risques de ce si long voyage vers l’Afrique.


19/03/2011

Le nouveau collaborateur.


Lundi 13 janvier - Un nouveau collaborateur est arrivé ce matin, il s’appelle Didier Dumont. Un beau mec, à l’aise mais prétentieux. Pas du tout mon genre, ça tombe bien car il y a peu de chance que je sois le sien !

Mercredi 15 janvier - J’ai déjeuné à la cantine avec Isabelle, elle a le moral complètement à plat avec son divorce. A la table d’à coté, il y avait le nouveau avec toutes les minettes du bureau qui gloussaient autour de lui. Il m’a l’air d’un fameux macho, celui là ! Il « fait du gringue » à toutes les nanas sauf bien sûr, à Isabelle et à moi. En ce qui me concerne, je ne vais surtout pas m’en plaindre !

Vendredi 17 janvier - C’était la première réunion d’équipe avec le nouveau. Il est vraiment gonflé celui là ! Il a son mot à dire sur tout, il prend la parole à chaque instant. Il ne manque vraiment pas de confiance en lui ! Ce qu’il a en trop me ferait du bien. Mais tout de même, il pourrait être plus modeste au début ! Il est sans doute doué, mais il m’énerve ! Moi, je ne me mets jamais en avant, parce que je préfère qu’on prenne le temps de découvrir et d’apprécier mes compétences. Cependant je trouve qu’on y met beaucoup de temps.

Mardi 18 - Ce matin, quand j’ai aperçu le nouveau près de la machine à café, j’ai failli faire demi-tour, mais c’était trop tard, il l’aurait remarqué. Heureusement que la minette de l’accueil est arrivée juste derrière moi, et il n’a regardé qu’elle. Cela fait juste une semaine qu’il est là et ils en sont déjà aux bisous et familiarités. C’est indécent, ce que les filles peuvent être aguicheuses avec lui. Moi, je suis transparente, je ne suis même pas certaine qu’il ait remarqué mon existence, et c’est très bien ainsi !

Jeudi 20 – Ce matin je suis passée devant le bureau du nouveau et qu’est-ce que j’ai aperçu du coin de l’œil ? La DRH assise jambes croisées sur un coin du bureau, tandis qu’il s’étalait dans son fauteuil, et ça devisait joyeusement un café à la main. C’est incroyable ! tout le monde est sous son charme. Mais qu’est-ce qu’on lui trouve ? D’accord il doué, cependant il n’est pas le seul et son succès, il ne le doit qu’à sa belle gueule. Mais la DRH, là c’est trop !

Vendredi 21 – J’ai pris un jour de RTT, cela me dispense de la réunion d’équipe.

Lundi 23 - Ce matin Isabelle est arrivée dans mon bureau toute ragaillardie pour me raconter la réunion de vendredi et les idées géniales du nouveau. Il propose entre autres de mutualiser nos process concernant la liquidation des APM. D’accord c’est une bonne idée, mais ça fait longtemps que j’y avais pensé, sauf que j’attendais le moment opportun pour la proposer. Mais pourquoi je ne l’ai pas fait plus tôt ! C’est comme l’idée d’ajouter un avenant au formulaire B42, afin d’éviter de ressaisir les données, il faut que je me dépêche de la présenter, sinon Dumont va me la piquer !

Mercredi 25 - Cet après midi, j’allais partir quand Dumont a frappé à la porte de mon bureau. Je ne l’ai pas vu venir, j’ai dit « entrez » et quand j’ai levé la tête, il était déjà assis en face de moi. Il avait un problème avec le dossier GRP et Isabelle lui avait conseillé de venir me voir, car j’avais rencontré la même situation avec Exco. Mon cœur s’est mis à battre à cent à l’heure et j’ai espéré que cela ne se voit pas. Par contre, mes mains qui tremblaient sur les feuilles du dossier Exco, ça je crois qu’il l’a remarqué et mes explications bafouillées aussi. Cependant, quand il est reparti, il avait l’air content et il m’a remerciée en me regardant au fond des yeux. Je me suis d’abord sentie toute vide et j’ai mis un moment à m’en remettre ; après je me suis sentie complètement nulle ; ensuite je me suis dit que ce n’était pas la peine de me mettre dans cet état, pour un homme ne s’intéressait qu’à mon dossier.

Jeudi 26 – Didier Dumont est venu me serrer la main en arrivant ce matin. J’ai senti le chaud me monter aux joues, j’espère que je n’ai pas rougi. De toute façon il ne l’aurait sûrement pas remarqué, je ressemble si peu aux filles qui l’intéressent. Cependant, en tant que collègue, j’apprécie sa reconnaissance pour l’aide que je lui ai apportée hier.

Vendredi 27 – Didier Dumont est venu s’asseoir auprès de moi pour la réunion d’équipe. Avant le début de la réunion, il m’a félicitée pour l’efficacité de ma démarche concernant les contrats de type D405, tels les dossiers GRP et Exco, puis il m’a encouragée à écrire le mode opératoire, me proposant d’en parler au cours de la réunion si j’étais d’accord. J’ai eu l’impression que mon cœur allait éclater. Quand il a proposé ma démarche aux autres, j’étais redevenue plus calme et je me suis soudain sentie très forte. Tout de suite après, j’ai proposé mon idée concernant l’avenant au formulaire B42 et j’ai réalisé qu’autour de la table, tous me regardaient, comme s’ils me voyaient pour la première fois. J’allais enchaîner avec une proposition relative à la réduction des coûts de papier, mais Germont est intervenu pour parler de la semaine qualité et après c’était trop tard. Je crois que c’était mieux ainsi, je me demande même si je ne suis pas allée trop vite. C’était trop bon d’être assise auprès de Didier Dumont, mais il ne faut pas que je m’emballe. Et puis ce qui l’intéresse ce n’est pas moi, c’est ma méthode, mais au moins il l’a remarquée, lui !

Lundi 30 – Dans l’après-midi, Didier est passé me voir et il m’a demandé où j’en étais concernant le mode opératoire. Puis il m’a invitée à aller prendre un verre au café en face avant de partir. Je me suis esquivée en prétextant un rendez-vous chez le dentiste et on a remis ça à demain. Ensuite je me suis mise à regretter, ça m’énerve de faire des choses pareilles, car après je me mets à gamberger. En plus, je gamberge pour rien, car c’est sûr que ce n’est pas avec une fille comme moi qu’il va roucouler, comme il le fait avec les minettes du bureau. Et puis, ce midi à la cantine, il déjeunait en tête à tête avec la DRH.

Mardi 31 – Je suis arrivée à la cantine en même temps que Didier et il m’a proposé de déjeuner ensemble. Cela faisait à peine deux minutes que nous étions installés, lorsque ses copines de l’accueil, sont arrivées en caquetant. Elles se sont installées autour de nous, sans rien demander. Moi je me suis sentie en trop, mais Dumont lui, il était aux anges ! Quand j’ai aperçu Isabelle qui se dirigeait vers notre table habituelle, j’ai pris mon plateau et je suis allée la rejoindre en bafouillant une excuse improbable. Je devais avoir un air si pitoyable, qu’Isabelle ne m’a fait aucune remarque, lorsqu’elle m’a vu arriver. Ce soir j’ai quitté le bureau très rapidement et je suis rentrée directement, j’ai pensé que Dumont avait oublié notre rendez-vous au café d’en face, sinon il me l’aurait rappelé dans l’après-midi.

Mercredi 1er Février – Rien

Jeudi 2 – Rien

Vendredi 3 – J’ai hésité à poser un RTT et puis j’y ai renoncé. J’ai terminé la rédaction du mode opératoire concernant les contrats de type D405 et vers onze heures, je ne sais pas ce qui m’a pris, c’était comme si je ne me contrôlais plus. Je suis partie mon dossier sous le bras pour le présenter à Dumont. Mais il n’était pas dans son bureau, j’en ai laissé une copie dans sa corbeille. Il n’était pas non plus à la réunion d’équipe, et c’est là que j’appris qu’il était en RTT.

Lundi 5 – Tout le monde a remarqué ma nouvelle coiffure. Il parait que ça me change vraiment. Isabelle m’a dit que ça me donne un air branché. Il faut dire que j’ai fait des efforts, j’ai profité de la fin des soldes pour m’acheter des petits tops un peu moulants et décolletés. Je crois que ça me va bien, même si je ne suis pas tout à fait à l’aise, car on aperçoit la naissance de mes seins. Je me demande si ça ne fait pas trop d’un coup, j’ai envie qu’on me remarque, mais je ne voudrais pas que cela se voit. J’ai espéré en vain que Dumont vienne me parler de mon mode opératoire. Il n’était pas à la cantine, la DRH non plus.

Vendredi 9 – A la réunion d’équipe Dumont était assis à coté de la DRH. Moi, j’ai proposé mon projet de réduction des coûts de papier, qui a reçu l’approbation de tous. Quand j’ai tourné la tête vers Dumont, je constaté qu’il me regardait. J’ai soutenu son regard un instant, mais je n’ai pas pu tenir bien longtemps. C’était mieux comme ça, car peut-être que les autres l’auraient remarqué. A la fin de la réunion, Dumont est venu me parler, il avait trouvé mon mode opératoire très bien et mon projet aussi, puis il m’a demandé où je trouvais toutes ces idées. J’ai essayé de prendre un air naturel et j’ai réussi à soutenir son regard sans rougir. « Très bien votre nouvelle coiffure » a-t-il ajouté avant de repartir avec la DRH.

Lundi 11 – Quand je l’ai aperçu se dirigeant vers la machine à café, j’ai fait comme si j’y allais aussi, mais au moment de choisir ma conso, je me suis aperçue que je n’avais pas prévu ma monnaie. Lorsqu’il m’a proposé de me l’offrir, là j’étais mal, car ce n’est pas mon genre de me faire entretenir par les autres. Et j’étais encore plus mal quand il a ajouté que c’était pour remplacer celui que je n’ai pas pris avec lui, l’autre mardi au café d’en face. Là j’ai fait celle qui ne se souvenait de rien, il n’a pas insisté et on a parlé de la nouvelle organisation du service. Avant de partir, il m’a lancé, « juste un conseil, lâchez-vous un peu, vous y gagnerez beaucoup ! ». J’ai répondu que j’étais très timide. Et là il m’a dit « timide, ce n’est peut-être pas cela, essayer juste d’être un peu plus simple ! » puis il a ajouté, « plus authentique, comme les filles de l’accueil, que vous n’aimez pas beaucoup je crois ! ».

Quel con celui là ! Mais pour qui se prend-t-il ? Je n’ai vraiment pas besoin de ses conseils ! Authentiques sa bande de pétasses ? De cet authentique là, très peu pour moi !

Vendredi 15 – À la réunion d’équipe, nous avons appris que Dumont s’en va. Avec la DRH ils vont réorganiser le site Paris Didot.

Lundi 18 février - Un nouveau collaborateur est arrivé ce matin, il s’appelle Pierre Piron. Un mec pas très beau, mais sympathique, un peu réservé et très simple !


06/03/2011

La guêpière

« Une guêpière » s’exclame soudain Fred « Oui une guêpière, c’est ça, c’est exactement ça ! C’est exactement ce que je cherche » ajoute-t-il tout existé, à l’adresse de la vendeuse qui essaye depuis dix bonnes minutes de comprendre ce qu’il désire réellement. Elle lui a déjà présenté dans différents coloris, plusieurs ensembles, avec shorty ou tanga, soutien gorge avec ou sans armatures, ampliformes ou non, mais jusque là, rien ne semble l’enthousiasmer. Il faut dire que c’est une mission quasi impossible qu’il s’est donné là.

Ce n’est pas la première fois qu’il offre une pièce de lingerie à Isa. A chaque fois elle reçoit le cadeau avec une joie polie, puis elle le range dans le tiroir de sa commode, sans jamais l’en ressortir. Quand c’était la mode des culottes brésiliennes, elle en avait reçu toute une collection pour son anniversaire. Elle en avait essayé une au hasard et s’était regardée dans la glace sur toutes les faces. Lui, il avait adoré son mouvement, lorsqu’elle se cambrait pour se regarder de dos. C’était juste après la naissance de leur fille, elle avait dit « je vais attendre d’avoir retrouvé mon ventre plat » et elle avait remis ses culottes en coton « petit bateau ».

Après il y eu la mode des soutien gorges « wonderbra », qui faisaient tant rêver Fred. C’est ce qu’il lui offrit un jour de fête des mères où ils étaient invités chez des amis. Pour lui faire plaisir, elle l’avait mis sous un petit haut à bretelles et Fred avait gardé pendant tout le repas, les yeux rivés sur la poitrine de sa femme assise en face de lui. Mais le soir en dégrafant le wonderbra, dans un soupir Isa avait dit « oh ! comme ça fait du bien de se libérer de cette maudite armure » et le lendemain elle avait remis sa brassier Dim, cent pour cent coton.

A l’époque où les strings sont arrivés, il a encore essayé, mais elle restait invariablement affublée de ses horribles culottes, déclarant d’un ton officiel « La culotte en coton est une garantie de santé ! » et elle ajoutait entre deux éclats de rires « rien de mieux que des fesses bien à l’aise dans une culotte propre et nette, pour conserver le sexe vigoureux ! ». Il faut dire que, quand l’envie de faire l’amour les prenait, Fred n’avait que juste le temps d’apercevoir les sous vêtements d’Isa, tellement elle était prompte à les ôter. Et comme cela se reproduisait souvent, il ne se plaignait pas.

Pourtant il se souvient encore du jour où aux Galeries Lafayette, il l’avait entraînée dans les cabines d’essayage du rayon lingerie. Elle avait passé, l’un après l’autre, tous les modèles de la collection de l’année. Lui, il était là, assis dans un fauteuil en osier, la regardant avec bonheur, s’habiller et se déshabiller, se tourner et se retourner devant le miroir. Elle prenait des poses, jouait des rôles, il buvait ses rires, elle était belle, il était heureux. Puis, dans le désordre de la cabine ils avaient fait l’amour et étaient repartis sans rien acheter, laissant la vendeuse indignée de tant d’indécence.

Maintenant il est là tout émoustillé, les yeux braqué sur l’affiche accrochée au mur de la boutique, présentant son Isa toute souriante, dans un corps parfait, gainé du dernier modèle en dentelle noir de chez « Rosy ». « Une guêpière, c’est ça ! » rajoute-t-il encore une fois pendant que la vendeuse s’enquiert de la taille de la dame. « La taille ? » répète-t-il derrière elle, tandis que sous ses yeux, le sourire d’Isa se transforme en grimaces de souffrances et que la jolie gaine Rosy se transforme en armure. « La taille ? » répète-t-il une seconde fois, perdant peu à peu toute son énergie. « Je vais me renseigner » dit-il en se dirigeant d’un pas fatigué vers la porte, sous le regard interloqué de la vendeuse.

Deux enseignes plus loin, il pousse la porte de l’agence de voyage. Cette année Isa sera heureuse, car à l’occasion de la Saint Valentin, elle recevra le cadeau d’un séjour naturiste, quelque part au soleil et le tiroir à lingerie de sa commode ne s’en plaindra pas.


18/01/2011

Recette d’amour


Un après-midi d’automne,
Des rideaux tirés,
Des bûches dans la cheminée,
Un thé au jasmin
Un poème d’Aragon.
Ménager des silences,
Et laisser venir la détente.

Un tapis de fourrure,
Une épaule offerte,
Une main caressante,
Un sourire épanoui,
Un crépitement d’étincelles.
Installer la tendresse,
Et laisser monter le désir.

Une bretelle qui glisse,
Des lèvres qui se frôlent,
Des mots murmurés,
Deux cœurs battants,
Deux corps qui se rapprochent
S’ouvrir à soi,
Et se lâcher à l’autre.

Un corps qui bascule,
Des mains qui le dénudent,
Un parcours de frissons,
Des lèvres humides,
Des soupirs retenus,
S’offrir à l’autre pour se perdre,
Et se perdre pour se libérer.

Deux nus sur le tapis,
Des lèvres qui se mordent,
Deux corps qui se confrontent,
Deux sexes qui se regardent,
Un jeu réinventé
Libérer sa puissance,
Et gravir le chemin.

Deux corps emboîtés,
Deux sexes qui se prennent,
Deux bouches qui se nourrissent,
Une seule énergie,
Le cri de l’amour,
Atteindre le sommet,
Et communier ensemble.

Deux corps enlacées,
Deux souffles relâchés,
Des membres étalés,
Des braises qui s’apaisent,
Une fin d’après midi,
Remonter la couverture,
Et s’endormir heureux.

08/01/2011

Lisa


Pour Lisa, l’amour au quotidien, c’était devenu un devoir et la tyrannie de l’orgasme. Peu à peu, elle avait réussi à espacer les séances. De tous les soirs au début, ils étaient passés à un sur deux, puis deux par semaine. Après la naissance des enfants, c’était juste pendant le week-end. Ensuite il y eu les soirées entre amis où elle buvait trop, ce qui lui donnait des migraines. Ils sortaient beaucoup, travaillaient encore plus et avec les enfants qui grandissaient, faire l’amour c’était devenu trop d’énergie.

Ils dormaient toujours l’un contre l’autre, se caressaient tendrement, échangeaient quelques baisés sur les lèvres. Quand je les voyais, marchant par les rues main dans la main, je trouvais qu’ils formaient un beau couple. Ils avaient des effleurements laissant voir une complicité, qui me donnaient des envies.

Passé la quarantaine, il y eu des bouleversements, dont je vous épargnerai les détails, et chacun était parti de son coté. J’ai continué à voir Lisa, on s’est fait de supers soirées entre copines. Nous nous passions des hommes, d’ailleurs il n’y en avait plus. Les meilleurs étaient déjà pris, et les autres n’étaient pas assez courageux.

Après Lisa s’est lâchée. La première fois c’était dans le métro, ils étaient tous les deux accrochés à la même barre métallique, leurs mains se frôlaient, leurs regards se sont croisés. Et soudain tout est revenu ! La vibration dans le bas du ventre, l’émotion, le désir, … C’était incroyable ! Comment avait-elle pu oublier cela ?

La deuxième fois, c’était au cours de la réunion du CCE. Le hasard avait voulu qu’elle se soit malencontreusement retrouvée assise près du délégué de Sud. Bien qu’étant restée à distance, elle avait rapidement senti que cette proximité provoquait entre eux quelque chose d’indéfinissable. Puis elle avait reconnu la vibration dans le bas du ventre, l’émotion, le désir, …

La troisième fois c’était pendant son contrôle fiscal. Devant lui, elle avait étalé ses bulletins de salaires, ses relevés de comptes, ses pensions alimentaires et dans le tas elle cherchait le justificatif de ses cotisations syndicales, qui devait lui ouvrir droit à déduction. Elle était énervée, il l’avait aidé et c’est là que leurs mains se sont rencontrées. Vous devinez la suite : la vibration, l’émotion, le désir, …

Je n’ai pas besoin de vous expliquer que ces hommes là étaient tous « déjà en mains », comme dit ma copine Annie. Peu importe, maintenant Lisa va bien. Elle se donne à eux quand le désir est là et elle prend le plaisir qu’ils lui offrent. Si vous lui parlez de fidélité, elle vous répondra qu’elle l’est. Ce qu’elle donne vient d’elle et ce qu’elle reçoit, elle ne le prend à personne.

Lisa va bien, même s’il lui arrive encore d’espérer...

03/01/2011

Le chant des bergers


Entre un berger corse qui s’appelle et Gérard et un berger basque qui s’appelle Dimitri, il y a tellement de différences, qu’on ne peut absolument pas les confondre. Tout d’abord le berger corse traverse la montagne à pied par le GR20, qui comme chacun le sait est le plus acrobatique de tous les chemins à chèvres ; tandis que le berger basque garde ses moutons perché sur des échasses, prêtées par son voisin landais, afin de surveiller les ours, qui comme chacun le sait, préfèrent barboter un mouton que dévorer du miel. D’autre part le berger corse ne porte pas de béret et son chien ne lui colle pas aux talons. Quand au berger basque, ne lui chantez jamais « oh catarinetta bella chi chi » ou « petit papa noël », car il déteste Patrick Fiori, autant que Napoléon.

Par contre tous les deux aiment à se retrouver entre copains, en assemblées fraternelles pour chanter des polyphonies, et moi, ça me fait craquer ! Car, qu’il y a-t-il plus viril que ces hommes debout, torse bombé, s’appliquant à chanter, une main sur l’oreille ! Quoi de plus bouleversant que ces chanteurs portés par leur terre ! Quoi de plus poignant que ces mots d’une langue inconnue ! Quoi de plus touchant que ces gaillards taillés comme des guerriers, entrelaçant leurs voix jusqu’à fusionner, pour se livrer sans retenue à leurs émotions !

Moi qui ai bien connu Gérard avant de rencontrer Dimitri, je peux vous assurer, qu’il n’y a rien de mieux qu’un berger polyphonique pour vous émouvoir. Cependant, si vous habitez Landerneau, si vous avez épuisé vos cinq semaines de congés payés, tous vos RTT, ainsi que la réduc annuelle de la SNCF, vous pouvez toujours aller faire un tour sur les monts d’Arrhée ; avec un peu de chance vous rencontrerez un berger breton nommé Helmut, qui avec ses copains, vous chantera un « Kan Ha Diskan »

Pour en savoir plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kan_ha_diskan

http://www.youtube.com/watch?v=nQY5m1BnqzM