26/11/2008

Quelqu’un avec qui courir


Au parc Montsouris le dimanche matin, il y a les joggeurs, ceux qui courent dans un sens et les autres, qui font de même dans l’autre sens. S’ils vont à la même vitesse, ils se croisent deux fois à chaque tour.

Enfin, moi je l’ai croisé deux fois. La première, derrière la station Citée Universitaire, le long du boulevard Jourdan et la seconde sous le pont du RER, le long de l’avenue Reille. Sans doute court-il plus vite que moi, car au deuxième tour je l’ai croisé, d’abord au niveau de l’ancien pavillon du Bardo et ensuite devant le guignol. Ainsi de tours en tours, nos rencontres se font en remontant le long de la rue Deutsch de la Meurthe d’un côté et Gazan de l’autre. Combien de tours nous parcourons-nous ainsi ? Je ne saurais le dire. Je vais, oubliant la douleur. A chaque rencontre nous osons d’abord un regard, puis un sourire, un geste de la main, d’abord tout petit, puis nous nous enhardissons. Lorsque de loin je le vois arriver, mon pas s’accélère porté par une énergie inconnue.

Et puis, plus rien ! Depuis le kiosque où je l’ai vu la dernière foi, disparu ! Tout un tour sans le revoir et un autre encore. Je me traîne, je m’affaisse, je m’écroule, je m’étale, je m’anéantis et je m’en vais.

Mais, à quelques mètres de la sortie, il est là, devant moi. Le sourire au bord des lèvres, un brin moqueur, un zeste tendre. Je suis émue.

- Courir dans le même sens la semaine prochaine, ça vous dit ?

Je bafouille :

- Euh ! Oui, où ça ? A quelle heure ?

- Au même endroit, à la même heure, on fait pareil et dès qu’on se croise, je change de sens.

- D’accord, euh… ici, dimanche, euh… à la même heure. Euh … bonne journée.

Et je me sauve rapidement vers l’avenue René Coty.

Quelle gourde ! Empotée ! Nunuche ! Je suis nulle ! J’aurais dû retenir le moment, prendre le temps d’accepter. Oui ! Attendre un peu, le regarder, lui dire… lui dire… quoi ? Je ne sais pas, mais lui dire quelque chose. Au lieu de ça, je suis partie de toute urgence, comme si on m’attendait.

Qu’est-ce qui m’empêche d’être plus simple, plus disponible ? Maintenant, j’ai toute la semaine pour imaginer ce qui aurait pu arriver si j’avais osé. Ah ça ! Pour imaginer, je m’y connais. En boucle, je vais me refaire le parcours et le prolonger par des étirements ensemble sur l’herbe. Je lui proposerai même un petit massage du dos. Non, mieux encore, c’est lui qui en aura l’initiative. Et quand nous serons bien relâchés, nous nous raconterons. Il sera beau, drôle, riche, intelligent et cultivé. Allez ! Je lui accorderai de ne pas être très riche, ça je m’en fout un peu.

Et dimanche prochain, j’aurai tellement trotté dans ma tête que je ne le reconnaîtrai plus, parce qu’il ne ressemblera plus à ce quelqu’un avec qui j’aimerais tant courir.