Elle lui avait gentiment demandé
d’enlever ses bottes, car elle venait juste de changer les draps. Il s’exécuta,
et prenant appui sur son talon, il envoya valdinguer sa chaussure qui fit
chavirer la lampe sur son passage. Elle se dit que cet homme manquait peut-être
d’élégance, et commença à se demander si elle avait bien fait de lui ouvrir sa
porte.
C’était un soir de décembre,
lorsqu’il avait sonné pour lui proposer le calendrier des Postes, elle l’avait
invité à prendre un verre, puis deux, puis sa main, son bras, ses seins, sa
bouche. Ensuite elle l’avait dirigé vers sa chambre et là, il s’était jeté sur
le lit sans ôter, ni sa casquette de facteur, ni sa sacoche, ni même ses bottes.
Et c’est ainsi qu’ils s’étaient tous les deux retrouvés sur lit, avec les
calendriers autour et les bottes sur les draps propres.
Cependant, elle savait qu’il ne
fallait pas réfléchir trop longtemps, que si elle pensait trop, elle n’en
aurait plus envie. Quoi qu’il en soit, folâtrer sur un lit, même avec des
bottes sur les draps propres et des calendriers des Postes dans les côtes, c’était
bien meilleur pour le moral et la santé, que de passer cette longue veillée
d’hiver à s’ennuyer devant la télé, seule comme tous les soirs.
Alors elle lui enleva sa
casquette au logo, la sacoche et les calendriers, ainsi que l’autre botte. Puis
elle lui retira sa veste bleue bordée de jaune, sa chemise, son pantalon et son
slip à gousset. Il ne lui restait plus que le marcel, les chaussettes et la
gourmette. Une belle gourmette en argent, avec son nom gravé. Elle sut alors qu’il
s’appelait Didier.
Elle commença à l’étriller, le
mordre et le sucer. Tandis qu’elle lui léchait les doigts l’un après l’autre,
elle découvrit en glissant son regard sous la plaque de la gourmette, qu’il
était né le 24 septembre 1968.
A son tour, il essaya de lui retirait sa guêpière, mais
avec ses grosses mains de facteur, qui sa tournée terminée, passe ses après-midi
à bricoler sa moto, il semblait quelque peu maladroit dans l’exercice de
déboutonnage. Dans sa hâte d’être contre lui, elle se déboutonna aussi pour s’éjecter
de son corset, et se retrouver toute nue à l’air libre.
Quand elle a envie de se faire
plaisir, elle se trouve un homme. N’importe lequel ? Non, pas tout à fait !
Mais bon ! Il lui en faut un ! Alors, elle ne cherche pas trop
longtemps, pourvu qu’il soit souriant et vigoureux. Pourvu qu’il ait de la
conversation et pas trop d’embonpoint. Quand elle l’a trouvé, elle fait comme
s’il était parfait, elle ne regarde que ce qu’il a de bon, et surtout, elle ne
s’attarde pas sur des détails, comme les bottes, les calendriers ou les grosses
mains de bricoleurs.
Un jour qu’elle avait invité le
coiffeur de la rue Didot, elle fut prise tout à coup d’un haut-le-coeur en
découvrant ses bagouzes. Une grosse chevalière au petit doigt gauche et un
énorme scarabée au majeur droit. Soudain, elle ne pouvait plus ! Elle ne
voyait que ça : des gros doigts de coiffeur embagousé. Des mains blanches
et luisantes, lavées et relavées. Des mains vulgaires et flasques comme de la
gélatine. Envahie de dégoût, elle n’arrivait plus à trouver son plaisir.
Lui, il ne comprit pas pourquoi,
la minute d’après, ils se retrouva en slip sur le paillasson, avec ses vêtements
dans les bras. Elle, outre qu’elle avait dû ensuite se chercher un nouveau
coiffeur, elle avait passé le reste de la soirée à zapper de chaîne en chaîne,
afin de trouver un programme qui apaiserait ses nausées.
C’est à partir de ce soir là qu’elle
décida d’adopter ce qu’elle appelait « la posture de bienveillance »,
qui venait s’ajouter aux soixante-quatre positions du Kamasoutra qu’elle
connaissait déjà.