09/05/2010

La saison des lilas


Ce gars là, c’est un mec impossible. D’abord il m’apporte des lilas, alors que je préfère les roses. Et quand il dit qu’il en apporte toutes les semaines, tu parles ! La saison du lilas ça dure à tout casser un mois, pas plus ! En outre, il veut me faire prendre le tram trente trois ! Le tram trente trois, je ne suis pas malade ! Et pourquoi pas le treize, tant qu’il y est ! C’est comme les frites ! Je ne sais pas où il est allé chercher que j’aime tant ça. A la rigueur celle de ma mère, mais surtout pas celle de chez Eugène, elles ont un goût d’huile rance. Oh là qu’est-ce que j’entends ! Faut pas compter sur moi pour lui faire la crèche à Noël et puis il faut qu’il aille revoir sa géographie, parce que l’Amérique, c’est pas chez moi ! Dis donc cousin Joël, occupe toi de tes affaires et laisse moi tranquille ! J’aime bien le cinéma, ça c’est certain, mais me faire peloter dans le noir, par un type qui me bave des « je t’aime » dans le cou, beurk !


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça ,certainement ! Je suis toute sa vie, fatalement ! Et puisqu’il m’attend et bien qu’il attende !


Il est con ce mec ! Qu’est-ce qu’il fout à rester sous la pluie. Remarque pour les lilas c’est plutôt bien, vu l’allure qu’ils ont. Mais moi, c’est sûr que je ne risque pas d’aller me tremper avec lui. Le tram trente trois il ferait mieux de le prendre avant de devoir aller le dire à son médecin. Pour les frites c’est moins grave, ça lui évitera d’attraper du cholestérol. Et qu’il regarde bien l’horizon pour apercevoir l’Amérique, moi je me garde bien de ne pas être sur la trajectoire, quant à toi Gaston, occupe toi plutôt de tes oignons ! Pendant ce temps, moi je suis à l’abri au cinéma, sans personne pour me peloter dans le noir et me baver des « je t’aime » dans le cou.


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça ,certainement ! Je suis toute sa vie fatalement ! Et puisque je n’arrive pas, qu’il m’attende encore !


Il a jeté ses lilas, c’est plus la peine que j’y aille, en plus tout est fermé : Eugène, le cinéma et le reste. Même le dernier tram s’en va. ! Il est là tout petit avec ses « je t’aime », faudrait vraiment rien avoir d’autre ! Il a encore un œil sur l’espoir et l’autre sur l’Amérique et moi j’aimerais mieux qu’il ne me voit pas. Dis-moi cousin Gaspard ! qu’est-ce que je ferais avec un type comme lui ?


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça, certainement ! Je suis toute sa vie, faut voir ! Et puisque je ne viendrai pas, qu’il m’attende encore un petit peu !


Ça alors il est revenu avec des lilas ! Je sais pas comment il a fait, maintenant on n’en trouve plus nulle part. En plus, ce sont des lilas violets comme je les aime, ceux qui sentent si bon ! J’ai envie de prendre le tram trente trois pour aller manger les bonnes frites de chez Eugène. Gaspard cesse de faire le bavard, Gaston occupe toi de tes oignons et Joël retourne à tes sauterelles. Si moi j’ai envie d’aller au cinéma ça me regarde. Et si dans le noir j’ai envie qu’il me glisse des « je t’aime » dans le cou, c’est parce que j’aime bien ça !


Merci Grand Jacques.