19/10/2009

Mesures de précaution


Je ne fume pas et je ne prends pas d’excitant, alors à l’heure de la pause café je drague. Je rejoins mes collègues alignés, un gobelet dans une main, une cigarette dans l’autre, sur le trottoir de la contre allée qui borde l’immeuble de la Exon Consulting Group.

Ce matin, comme tous les matins, je m’approche de Victor Delmas du bureau 405, pour lui faire la bise. Mais lui, il me tend la main, comme si on n’avait jamais fait des heures supp ensemble, cachés dans l’infirmerie. J’y crois pas, je me rapproche pour vérifier, il me tourne carrément le dos, pour continuer sa discussion avec Germain Guillermot.


- Atchoum !!!

Silence ! Derrière les volutes de fumée, juste au dessus des vapeurs de café, une douzaine de paires d’yeux sont braqués sur moi. Je m’inquiète.

- Qu’est-ce qu’il y a, j’ai dit quelque chose ?

- Ta manche ! me crie Arnaud Vernon de la DRH.

- Quoi ma manche ?

- Les mesures de précaution, précise-t-il, éternuer dans sa manche, ça ne te dit rien ?

- Justement, dis-je, des manches, j’en ai pas !

Arnaud Vernon et moi, tous les deux dans le même isoloir, pendant les élections des délégués du personnel, les mesures de précaution, il les mettait où ce jour là ?


- Tiens tiens ! Qu’est-ce qui t’arrive aujourd’hui Germain, tu as oublié ta cravate ?

Monsieur Germain Guillermot de la Dir Com : costard trois pièces de chez Tati, fausses Westons, fausse Rolex, fausses Rébanne et cravate assortie.

- Ca t’arrive de lire les circulaires ? me répond-il énervé.

- Oh excuse moi ! J’avais oublié les mesures de précautions et la cravate, cette pauvre cravate, déclarée repaire de virus !

Un après midi où Monsieur Germain m’avait donné rendez-vous aux archives, j’avais senti que la dernière visite au pressing du costume trois pièces, devait remonter à plusieurs mois. Ajouté à cela son parfum contrefait qui avait viré à la « cata », j’avais abrégé la rencontre. Là, peut-être qu’il m’en veut encore.


Y a plus rien à espérer aujourd’hui, il vaut mieux que je remonte. Je m’apprête à repartir quand je vois arriver le Antonio de la Repro. Antonio, le tombeur de la photocopieuse qui ne m’a pas encore fait tomber, ça tombe bien ! Je lui tends la main par souci de précaution. Plus prévoyant que moi, il garde la sienne dans sa poche, mais me gratifie d’un magnifique sourire. - Attention Antonio ! A mon avis tu prends des risques à sourire ainsi de toutes tes dents.

- Tu as raison me répond-il, je crois que je vais mettre un masque.

- Dommage, une si belle gueule !


Le stresse me gagne, pour me calmer je vais chatter sur Proxirencontres. Mais je m’inquiète, est-ce qu’il y a aussi des précautions à prendre ? Est-ce que je peux attraper un virus qui circule sur le net ? Est-ce que je dois utiliser du gel désinfectant ? Et si une rencontre virtuelle se transforme, d’accord on ne pourra pas s’embrasser sur la bouche, mais le cunnilingus ?