29/05/2010

Comme une épave !


Vous ne vous rendez pas compte, mais cette histoire m’a pourri la vie ! Tout ça parce qu’un jour j’ai accepté de poser pour un mec, qui voulait dessiner sur le sable, mon doux visage qui lui souriait.


C’est vrai qu’il était mignon le gars : cheveux longs, pattes d’eph et guitare. Le soir, avec tous les copains, on a fait un feu sur la plage et on a chanté « j’entends siffler le train » et tous les trucs à la mode. Il disait qu’il voulait devenir chanteur, en ce temps là moi aussi je rêvais d’être une vedette. On a passé la nuit à la belle étoile et au petit matin j’ai vite filé rejoindre la colo. Mon jour de repos étant fini, je devais reprendre mon service à sept heures.


Ce jour là il a plu sans discontinuer et sur la plage, dans cet l’orage, tout a disparu. Moi je n’étais plus là, vu que j’étais super occupée à la colo. Quand il pleut on en profite pour que les mômes écrivent à leurs parents. Mais les copains m’ont raconté ce truc de fou, il parait qu’il a crié, mais vraiment crié, Aline pour que je revienne. Oui, j’ai oublié de vous dire que je m’appelle Aline. Et il a pleuré, mais vraiment pleuré, car il avait trop de peine. Après il s’est assis auprès de mon âme, mais dame ! j’avais disparu. Moi l’été, j’avais pas que ça à faire de chanter sur les plages et poser en maillot de bain, fallait que je bosse pour payer mes études. Après ça, on a dit qu’il m’a cherchée sans trop y croire et sans un espoir pour le guider. Heureusement que je ne lui avais pas dit où je bossais, imaginez qu’il se soit pointé à la colo avec sa dégaine et sa guitare !


Dès que je mettais le nez dehors, y avait toujours quelqu’un pour me dire « Y a un mec qui te cherche partout ! Il arrête pas de crier Aline, pour que tu reviennes ». Moi je savais pas ou me mettre, tellement j’avais la honte. Le pire, ça a été le jour où il s’est mit refaire beau. Quand j’ai déboulé sur la plage avec les mômes de la colo, je l’ai tout de suite aperçu là bas, avec sa guitare, près de son tas de sable. Heureusement il ne m’a pas vue, trop occupé qu’il était en train de pleurer, mais pleurer, c’est sûr qu’il avait trop de peine. Je ne vous dis pas comment je me suis planquée vite fait derrière les plus grands. Heureusement c’était la fin des vacances et je suis rentrée à Paris sans le revoir.


C’est Mireille qui m’a appelée la première, elle écoutait « Salut les copains » tous les jours. « T’as entendu », qu’elle me dit, « le mec, il te cherche toujours, allume vite sur Europe n°1 » J’ai allumé et j’ai entendu qu’il n’avait gardé que mon doux visage, comme une épave sur le sable mouillé. Alors là ! ça m’a mise dans un état ! Moi, une épave ! Après ça, il pouvait bien crier et encore crier Aline, pour que je revienne ! Il pouvait bien pleurer et re pleurer et avoir trop de peine, moi l’épave, elle me restait là !


Surtout qu’après ça, tous les copains ne m’ont pas ratée. Dès qu’on me voyait arriver, y en avait toujours un pour dire « tiens voilà l’épave, qui veut faire le sable mouillé ? ». A cause de se mec là, ma vie a été un enfer. Si je le retrouve un jour, je lui en dirai deux mots et je vous jure que ce ne seront pas des mots bleus !


Merci Christophe !


18/05/2010

Moi, je m’appelle Cécile !


Un jour, mais il y a de ça très longtemps, un type qui est venu brailler sous ma fenêtre en pleine nuit. Il disait que, comme l’assassin il revenait sur les lieux de son crime, mais son amour n’était pas mort et il voulait recommencer. Il était complètement bourré et se prenait pour Roméo. Moi qui venais juste d’aménager dans cet appart, ça commençait mal, j’ai pas fermé l’œil de la nuit. Le matin quand je suis descendue, la concierge m’attendait dans le hall

- Alors c’est vous la fameuse Marie Christine, qui fait hurler sous son balcon en pleine nuit ?

- Ah non ! moi je m’appelle Cécile et j’ai rien à voir avec cet ivrogne, je ne le connais pas

- Ah bon ! pourtant il était bien sous votre balcon.

Il était sous mon balcon et alors ! Qu’est-ce que je pouvais y faire ?


La nuit suivante il est revenu et ça a recommencé. Il était complètement rond et il disait qu’il était rongé de remords, qu’avant il était un vrai salaud, mais il jurait qu’il avait bien changé. Là, il venait de trouver un boulot et il avait balancé son dictionnaire de rimes. Moi je n’arrivais pas à dormir et quand je suis descendue le matin, tous les voisins de la cage d’escalier m’attendaient dans le hall.

- Allez Marie Christine ! disait l’un. Montrez-vous magnanime, donnez lui une chance encore !

J’avais beau dire que je m’appelais Cécile, personne ne m’écoutait

- Vous voyez bien qu’en lui il a du bon, disait un autre

- Il n’écrit plus de chanson, rajoutait la concierge.

J’ai quand même réussi à me sauver, cependant je peux vous dire que je n’en menais pas large. Mais qu’est-ce que je pouvais faire ?


Bien sûr, ça ne s’est pas arrêté là, car la nuit suivante il est revenu avec tous ces copains. Ils étaient tous complètement saouls, sous mon balcon. Ils étaient là en train de pousser des cris unanimes et me demandant de ne pas faire la sourde oreille. Sourde ! voilà bien comment j’aurais voulu être à ce moment là. Ça a encore duré toute la nuit, mais le matin y avait personne dans le hall, quand je suis descendue, là j’étais soulagée. Cependant, quand je suis sortie dans la rue, tout le quartier était là.

- Allez Marie Christine ! donnez lui une chance encore, recommencez !

- Vous voyez bien que maintenant ses copains rigolent sans lui

- D’ailleurs ils sont là, vous n’avez qu’à leur demander

Moi, je n’ai même pas essayé de leur dire que je m’appelais Cécile, ça n’aurait servi à rien. Alors je l’ai laissé monter chez moi, puisque ça faisait plaisir à tout le monde et j’ai attendu qu’il dessaoule. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ?


Quand il s’est réveillé vers cinq heures de l’après midi, il m’a demandé qui j’étais, je lui ai répondu que je m’appelais Cécile. Quand il m’a demandé où était Marie Christine et je lui ai répondu qu’elle était partie et que j’étais la nouvelle locataire. Je lui ai proposé un café, il en a repris trois tasses et il est parti en me disant qu’il allait chanter. Quelques années plus tard, quand j’ai entendu la chanson où il parlait de sa fille Cécile, ça m’a fait quelque chose. Mais lui, qu’est-ce que ça pouvait lui faire ?



09/05/2010

La saison des lilas


Ce gars là, c’est un mec impossible. D’abord il m’apporte des lilas, alors que je préfère les roses. Et quand il dit qu’il en apporte toutes les semaines, tu parles ! La saison du lilas ça dure à tout casser un mois, pas plus ! En outre, il veut me faire prendre le tram trente trois ! Le tram trente trois, je ne suis pas malade ! Et pourquoi pas le treize, tant qu’il y est ! C’est comme les frites ! Je ne sais pas où il est allé chercher que j’aime tant ça. A la rigueur celle de ma mère, mais surtout pas celle de chez Eugène, elles ont un goût d’huile rance. Oh là qu’est-ce que j’entends ! Faut pas compter sur moi pour lui faire la crèche à Noël et puis il faut qu’il aille revoir sa géographie, parce que l’Amérique, c’est pas chez moi ! Dis donc cousin Joël, occupe toi de tes affaires et laisse moi tranquille ! J’aime bien le cinéma, ça c’est certain, mais me faire peloter dans le noir, par un type qui me bave des « je t’aime » dans le cou, beurk !


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça ,certainement ! Je suis toute sa vie, fatalement ! Et puisqu’il m’attend et bien qu’il attende !


Il est con ce mec ! Qu’est-ce qu’il fout à rester sous la pluie. Remarque pour les lilas c’est plutôt bien, vu l’allure qu’ils ont. Mais moi, c’est sûr que je ne risque pas d’aller me tremper avec lui. Le tram trente trois il ferait mieux de le prendre avant de devoir aller le dire à son médecin. Pour les frites c’est moins grave, ça lui évitera d’attraper du cholestérol. Et qu’il regarde bien l’horizon pour apercevoir l’Amérique, moi je me garde bien de ne pas être sur la trajectoire, quant à toi Gaston, occupe toi plutôt de tes oignons ! Pendant ce temps, moi je suis à l’abri au cinéma, sans personne pour me peloter dans le noir et me baver des « je t’aime » dans le cou.


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça ,certainement ! Je suis toute sa vie fatalement ! Et puisque je n’arrive pas, qu’il m’attende encore !


Il a jeté ses lilas, c’est plus la peine que j’y aille, en plus tout est fermé : Eugène, le cinéma et le reste. Même le dernier tram s’en va. ! Il est là tout petit avec ses « je t’aime », faudrait vraiment rien avoir d’autre ! Il a encore un œil sur l’espoir et l’autre sur l’Amérique et moi j’aimerais mieux qu’il ne me voit pas. Dis-moi cousin Gaspard ! qu’est-ce que je ferais avec un type comme lui ?


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça, certainement ! Je suis toute sa vie, faut voir ! Et puisque je ne viendrai pas, qu’il m’attende encore un petit peu !


Ça alors il est revenu avec des lilas ! Je sais pas comment il a fait, maintenant on n’en trouve plus nulle part. En plus, ce sont des lilas violets comme je les aime, ceux qui sentent si bon ! J’ai envie de prendre le tram trente trois pour aller manger les bonnes frites de chez Eugène. Gaspard cesse de faire le bavard, Gaston occupe toi de tes oignons et Joël retourne à tes sauterelles. Si moi j’ai envie d’aller au cinéma ça me regarde. Et si dans le noir j’ai envie qu’il me glisse des « je t’aime » dans le cou, c’est parce que j’aime bien ça !


Merci Grand Jacques.