11/02/2009

Pratiques douces pour meurtre sans coupable.


- Et pour les souris qu’est-ce qu’on fait ?

- Mais rien mon chéri. Tu sais bien que les souris sont les prédateurs des araignées, les araignées des mouches, et cetera. Il ne faut pas interrompre la chaîne trophique.

- Oh ! Ce n’est pas un petit coup de chimie qui va déséquilibrer l’écosystème.

- Mon chéri, si les souris te gênent, tu peux utiliser un répulsif biologique. Cela les écartera de la maison sans les supprimer, tout en préservant la biodiversité.

- Moi, il y a une souris très particulière, qui hante toutes mes nuits et j’aimerais bien trouver un poison, biologique ou pas, pour m’en débarrasser.

- Qu’est-ce que tu dis Chéri ?

- Rien Harriet, je réfléchissais juste à la façon dont je pourrais éliminer la souris qui m’empêche de dormir.

- Mais mon chéri, quelle souris ? Tous les soirs tu tombes de sommeil et je suis obligée de te secouer, afin que tu t’occupes un peu de moi avant de t’endormir.

- C’est exactement ce que je disais.

- Mon chéri, tu parles toujours entre tes dents et je ne comprends pas ce que tu dis. Si tu as un problème, tu devrais consulter le docteur Paterson, il pratique une médecine douce. Il a prescrit à Mrs Roberts, une préparation à base d’algues séchées, additionnées de secrétions hormonales de vipères. Depuis qu’elle en prend tous les soirs, elle se porte comme un charme. Ses hallucinations ont presque disparu.

- Oui, en effet, et il parait que depuis, elle passe son temps à dire du mal de tout le monde. Sir Roberts, d’habitude si flegmatique, est au bord de la crise de nerf.

- Mais pas du tout mon chéri ! Où es-tu allé chercher cela ? Nous prenons le thé ensemble tous les jours et je t’assure qu’elle et moi, nous avons des conversations fort intéressantes, tandis que Sir Roberts est à sa sieste.

- Certainement, je vous fais confiance, vous êtes excellentes pour retailler les costumes, tandis que Sir Roberts en profite pour filer à l’anglaise et me rejoindre au pub.

- Qu’est-ce que tu dis mon chéri ?

- Rien, je me parlais à moi-même.

- Le docteur Paterson soigne aussi ce genre de mal, avec des décoctions de fleurs d’orties cueillies au printemps et macérées dans des essences de boutons de jasmins. Cela donne également de très bons résultats pour les douleurs articulaires.

- Et pour toi ma femme, chère bénéficiaire d’une confortable rente sur titres de la United Standart Oil Ltd, afin que je puisse en toute quiétude, trinquer au pub avec Sir Roberts et jouir en paix des atouts de la jeune et belle Grace, je prescris très fort : une pommade à base de bave de truie en rut, prélevée pendant le premier décan du signe de la vierge et mélangée à celle d’un crapaud sénile, au troisième décan du scorpion. Un onguent composé de poudre d’os de corbeau, additionnée de sérum de sang de loup, extrait par une nuit de pleine lune. Un élixir de venin de punaise agrémenté de quelques poils de rats émasculés.

Il en était à imaginer une gelée de pétales de roses trémières, dégénérées pas la canicule, mixée avec la salive d’une chauve-souris enragée des Carpates, lorsqu’il remarqua qu’il régnait un silence inhabituel autour de lui. Puis se retournant, il découvrit Harriet gisant sur le carreau, les yeux révulsés et la bouche écumante. Son pouls ne battait plus.

Il arrive parfois, qu’à force de la désirer, la chose que l’on attendait, finit par arriver.