24/01/2009

Idéal féminin


Pour Etienne l’idéal féminin c’était une nymphe de Maillol. Il avait fait cette découverte le jour où Noëmia, une jeune femme rencontrée sur Internet, lui avait donné rendez vous au jardin du Carrousel.


Arrivé en avance, il s’était installé sur un banc, face à la statue de bronze. Ce corps rond et généreux offert à son regard, l’avait tout de suite interpellé. Il n’avait pas résisté longtemps, à l’envie de s’en rapprocher. Il en avait lentement fait le tour et était tombé en arrêt, les yeux rivés sur les fesses charnues. D’instinct sa main était venue se poser sur la cambrure des reins, pour glisser lentement sur le galbe des hanches et les cuisses, qu’il avait caressées généreusement. Puis, se déplaçant autour de la taille, il était arrivé au niveau du nombril, il avait posé ses deux mains sur le ventre. Chauffé par le soleil, le bronze était doux sous ses paumes. En remontant vers les seins, il avait fermé les yeux, pour mieux sentir les formes qui le faisaient vibrer. L’enlaçant toute entière, il était venu coller son corps contre elle et il avait senti son sexe monter en érection. Il resta longtemps ainsi, immobile, le souffle court.


Lorsqu’il entendit une petite voix l’appeler par son prénom, il n’en fut pas étonné, c’était sa nymphe qui lui parlait. Et lorsqu’il sentit une main sur son épaule, c’était encore sa nymphe. Cela faisait longtemps, qu’il n’avait pas éprouvé un tel abandon, dans les bras d’une femme. Mais lorsque la main devint plus insistante, lorsque la petite voix monta d’un ton pour lui demander ce qu’il faisait là, il ouvrit les yeux et à regret, détacha son corps de la statue de bronze.

- Vous êtes bien Etienne, avec qui j’ai rendez-vous ?

Se retournant, il découvrait devant lui une petite femme, toute menue et toute blonde.

- Oui c’est moi et vous ?

- Je suis Noëmia, je vous cherchais.


Noëmia était maintenant à coté de la statue et Etienne réalisait que ce petit bout de femme ne lui inspirait rien. Sous son pull, on devinait ses petits seins, presque plats. Elle avait les hanches étroites, le ventre sec et des jambes aux cuisses trop maigres s’échappaient sous sa mini jupe.


Etienne ne la vit pas s’éloigner, car il était déjà revenu vers sa nymphe callipyge. Il aimait ses larges pieds, ses solides mollets, ses cuisses épaisses, son ventre arrondi, ses épaules charnues et ses petits seins dressés. Il resta longtemps ainsi, juste à la regarder.


Quelques temps après il rencontra Sylvia, mais elle était vraiment trop grande et ils n’arrivaient pas à emboîter leurs corps, comme il le faisait avec Dina, lorsqu’ils étaient l’un contre l’autre. Quant à Lévana, qu’il connut ensuite, elle avait une poitrine lourde et il n’éprouvait pas le plaisir, qu’il avait à caresser les petits seins dressés de Dina. Plus tard les genoux de Rosa étaient anguleux et pointus sous sa main, tandis que ceux de Dina n’étaient que volupté.


Dina, c’est ainsi qu’il appelait sa nymphe. Plusieurs fois il se fit enfermer dans le jardin, afin de passer la nuit blotti contre elle. Sexe contre sexe ils se faisaient l’amour, sous un rayon de lune.


Il fit encore la connaissance de Clarissa et de Nina. L’une semblait phtisique tandis que l’autre était trop musclée. Puis il me rencontra.



20/01/2009

Porteuse de regards


Elle marchait en roulant des hanches. Elle allait libre des regards posés sur elle. Sa robe de soie légère dansait sur son corps nu, en rythme avec ses pas, à contre temps de la brise qui, dévoilant le fuseau de ses cuisses, laissait deviner l’intérieur velouté.


Si elle posait sa main sur le bas de son ventre, ce n’était pas pour retenir sa jupe, mais pour sentir plus fort, le souffle s’immiscer entre ses lèvres humides et remonter tout le long de son corps en gonflant le tissu qui, l’instant d’après venait s’aplatir sur ses formes.


L’air autour d’elle était flux et reflux. Telles les vagues léchant les rochers, le courant frais envahissait ses creux, inondait ses cambrures et venait s’évanouir sur ses galbes arrondis. Puis il se retirait pour mieux se réformer.


C’est ainsi qu’elle allait sous les platanes de l’avenue.


Et puis, sortant de l’ombre aux abords du chantier, les sifflets ont fusé sur les échafaudages. Elle a continué sa marche régulière, mais dans son intérieur, l’air est devenu très chaud.


Oser s’arrêter, s’étirer et s’ouvrir au soleil, à l’homme, à l’univers, pour se fondre dans l’énergie du tout. Qu’il vienne la prendre ici, contre la palissade, les bras cloués en croix, elle se donnerait à lui. Qu’il l’écarte, qu’il la pénètre, qu’il plonge en elle. Qu’elle referme sur lui ses jambes en prière, ses fesses soutenues dans des mains calleuses. Qu’elle puise dans les vivas et les insultes, sa toute puissance jusqu’ici retenue. Que la source jaillisse, qu’elle forme une rivière, un fleuve et rejoigne la mer.


Par-dessus son épaule, elle a jeté un regard vers les échafaudages et tous ces yeux concupiscents braqués sur elle ont eu raison de son audace. Alors elle a continué sa route, faignant de ne point avoir peur.



10/01/2009

Une mise au parfum


Rose Jacqueminot fumait du tabac blond et une odeur de fougère séchée alourdissait l’atmosphère. La fumée envahissait la pièce, créant une ambiance de magie noire. Fidji se mit à tousser, d’abord d’une petite toux qui se transforma bientôt en une quinte, l’empêchant de respirer. Avec délicatesse Monsieur de Givenchy lui tendit le mouchoir qu’il portait en pochette sur son habit rouge.


Rose, en égoïste, continuait, sans se soucier des autres, à tirer sur son fume cigare. Avec emphase, elle décrivait à Iris Gris et Joy Shalimar, son dernier séjour à Budapest, où elle était allée prendre les eaux à la Reine de Hongrie. Une eau sans pareille disait-elle, tandis que Fidji s’étouffait dans le mouchoir de monsieur, pestant en son fort intérieur contre cette poison.


« Une eau sauvage », continuait l’autre, « une eaux couleurs d’émeraude ». Puis, dessinant des arpèges avec son fume cigare, elle appela en direction de l’office, « Anaïs, Anaïs servez nous donc le thé ! ».

« Et toi Iris, qu’en est-il de ton voyage à Chypre ? » s’enquit-elle, lui envoyant une bouffée en pleine figure. « En Chine », reprit Iris, tandis que Rose reluquait vers sa robe d’organza. « Je reviens de Chine, j’ai marché dans l’herbe bleue, sous un bois oriental, j’ai respiré l’ylang-ylang ». Disant cela, elle eut soudain la sensation de se retrouver au milieu d’une fumerie d’opium et se mit à tousser, elle aussi.


Joy ouvrit la fenêtre et un vent vert s’engouffra dans la pièce, bousculant au passage les quelques fleurs qui s’épanouissaient dans un vase d’ambre antique.


Rose Jacqueminot frissonna, « L’air du temps, n’est pas à laisser les fenêtres ouvertes », gronda-t-elle, en tirant à nouveau sur son fume cigare. « Les soirs de Paris sont encore trop frais ».

Fidji sorti soudain le nez de son mouchoir et lui lança en colère « Madame, vous puez ! Vous empestez tant que s’en est une obsession et vous jacassez en nous envoyant votre haleine de vinaigre à faire fuir quatre voleurs ». Rose Jacqueminot resta clouée la bouche en O, un reste de fumée s’échappant en volutes ; et le geste suspendu, le fume cigare en l’air, le doigt numéro cinq aussi.


Il y eut un grand silence, pendant lequel la brume s’évacua par la fenêtre ouverte. Rose referma la bouche, en abaissant son bras. Elle allait dire quelque chose, mais n’en eut pas le temps, car Fidji reprenait, « Fini ! Taisez vous maintenant ! Et rangez votre pipe immonde ou alors sortez ! Tenez, allez donc prendre les eaux à Cologne, cela vous fera le plus grand bien.

Décompte

Rose Jacqueminot - Tabac blond – Fougère (royale) - Magie noire – Fidji - Monsieur de Givenchy - Habit rouge – Egoïste - Iris Gris - Joy – Shalimar - Eaux de la Reine de Hongrie - Eau sans pareille - Mouchoir de monsieur – Poison - Eau sauvage – Emeraude - Arpège - Anaïs, Anaïs – Chypre – Organza - L’herbe bleue - Bois oriental - Opium - Vent vert - Quelques fleurs -Ambre antique - L’air du temps - Les soirs de Paris - Obsession - Vinaigre des quatre voleurs – O (de Lancôme)- Numéro cinq - Eaux de Cologne.

http://www.osmotheque.fr/parfums/parfums.php


06/01/2009

L’épreuve par neuf


Ecroulé sur un sofa pas tout neuf, Titeuf se gratte le crâne d’œuf, en réalisant qu’étant né en soixante-dix-neuf, ça va lui faire trente ans, tandis que son grand père, né en trente va en avoir soixante-dix-neuf. Sa grand-mère qui est de trente-neuf, va fêter soixante-dix, alors que son cousin de soixante-dix, va sur ses trente-neuf. Quant à son père, qui est de cinquante, ça va lui faire cinquante neuf, par contre, sa mère qui est de cinquante neuf, va en avoir cinquante.


Pendant que tout le monde fait la teuf, pour fêter l’an neuf, Titeuf se fait des noeuds de neufs. Il n’aurait pas du boire autant de châteauneuf.


Autour de lui c’est l’euphorie. Les musiciens entament un bœuf et Eufrasia, sa meuf, une fille du neuf trois, le bleuffe en s’éclatant avec un reuf de Paimbeauf, qui smurffe en euphonie sur une adaptation de Rutebeuf.


Perdu dans ses acouphènes, Titeuf rame sur l’Euphrate en direction du Pont neuf, demain il atteindra Elbeuf. Sans son Eufrasia, il se sent comme un veuf au milieu de keufs et c’est un euphémisme.


Mais l’histoire finit bien, car le lendemain à neuf heures, Eufrasia vient garer sa teufteuf devant le vingt-neuf de la rue Didot (qui n’est ni dans le neuvième, ni dans le dix-neuvième) et il est neuf heures neuf quand Titeuf entend frapper à sa porte.


Bonne année 2009



03/01/2009

Vicissitudes de la vie conjugale


Au moment où ils avaient décidé de vivre ensemble, elle lui avait dit « avec toi, je crois que j’aurai moins peur de vieillir » et puis plus bas elle avait ajouté, « mais qu’est-ce qu’on va se faire chier ». N’ayant pas entendu la fin de la phrase, il lui avait demandé de répéter. Elle avait répondu, que le bébé avait eu une sacrée bonne idée de s’annoncer, sans qu’ils l’attendent et ils avaient refait l’amour. En ces temps là, ils faisaient souvent l’amour.


Ce soir, elle est devant la télé quand il rentre. Sans lever les yeux vers lui, elle s’excuse de ne pas l’avoir attendu pour dîner, puis elle rajoute, que son assiette est prête dans le micro-onde, comme tous les soirs. Mais là, il va se coucher sans manger et quand elle est vient le rejoindre, il lui lance « Tu avais raison, qu’est-ce qu’on se fait chier ». N’ayant pas très bien entendu la fin de la phrase, elle lui demande de répéter. Il répond qu’il regrette lui aussi, de ne pouvoir rentrer plus tôt, afin de dîner avec elle. Puis, dans un même mouvement, ils se retournent tous les deux, car il est l’heure de dormir. En ces temps ci, ils est souvent l’heure de dormir.


Deux minutes plus tard il ronfle, tandis qu’elle refait le bilan de leurs trente ans de vie commune. Ils ont deux beaux enfants, un superbe appartement et une maison de campagne confortable. Ils ont beaucoup de connaissances, parmi lesquels ils comptent quelques amis. Ils ont voyagé dans le monde entier, assisté aux meilleurs spectacles, vu tous les bons films et visité toutes les expositions recommandées par Télérama.


Maintenant leurs enfants se débrouillent seuls. Sur le plan professionnel, ils ont tous les deux atteint leur seuil d’incompétence (1) et attendent la retraite en payant annuellement, dix huit milles euros d’IRPP et ISF.


Oui c’est vrai, elle s’est souvent « fait chier » ! Et pour vaincre sa peur de vieillir, elle dépense sans compter, en crèmes affermissantes, anti-rides et visites chez son esthéticienne. Dans une salle de sport elle re-sculpte son corps, au cours de séances qui la laissent épuisée.


Elle s’endort à son tour, bercée par la pensée que demain, de cinq à sept, comme tous les jeudis, dans la chambre neuf, de l’hôtel des voyageurs, au numéro onze de la rue Didot, elle retrouvera les douces mains de Luis, glissant lentement de son pubis vers son ventre et ses seins. Les mains de Luis, volubiles autour de ses pointes dressées, légères sur sa gorge, enveloppantes autour de ses épaules. Les mains chaudes de Luis, s’immisçant sous ses omoplates, pour redescendre doucement, caresser son dos, souligner sa cambrure et contenir ses fesses. Après un court silence, repartant en arrière pour rejoindre sa taille, les mains souples de Luis, se laisseront guidées par ses lignes de hanches, pour atteindre sensuelles, les plis de l’aine et l’intérieur velouté de ses cuisses ouvertes. Flânant alors, dans cette zone humide, les doigts experts de Luis se feront désirer au bord de sa vulve offerte.



Ainsi, oubliant ses rides et ses affaissements, elle retrouvera sa jeunesse.


Merci à Ilan Duran Cohen, pour la dernière phrase de son film « Le plaisir de chanter » qui m’a inspiré cette histoire.

(1) Principe de Peter