10/11/2008

Petit conte pour les jardiniers


Timothée était malheureux. Depuis sa naissance il se traînait le dos affublé d'une vilaine bosse. A l'école les enfants se moquaient de lui, les plus méchants lui jetaient des pierres et maintenant qu'il venait d'avoir dix huit ans, on le regardait avec un air condescendant. Dans les yeux des autres, il lisait qu'on pensait de lui « le pauvre ». Il s'était dépassé sur le plan intellectuel, mais côté affectif, il craignait de ne connaître à jamais que la solitude.

Au salon Zen de la porte de Champerret où il s'était rendu, dans l'espoir de découvrir une démarche spirituelle, qui lui ouvrirait de nouveaux horizons, il était tombé sur une soirée organisée au « jardin des espaces ». Cette soirée intitulée « Vivez un conte de fées » proposait aux participants de venir costumés en personnage de conte pour vivre une expérience inoubliable.

Timothée avait pensé avec désabusement « pour moi ça ne sera pas difficile, même pas besoin de déguisement». Et puis, plus tard en y repensant l'idée lui était venue, de se fixer comme défi d'y aller pour exhiber sa bosse. Et c'est ce qu'il fit.

On le félicita tellement pour ses talents de transformation, qu'il se prit à penser qu'il était Lagardère déguisé en bossu pour venger le Duc de Nevers. Les filles voulaient toucher son porte bonheur. Une princesse orientale sortie des « Milles et une nuits », voulut en toucher davantage. Elle lui fit découvrir une sensation, qu'il ne connaissait pas.

Il l'entraîna plus loin, à la recherche d'un coin tranquille. Elle l'attira dans le jacuzzi afin d'explorer ensemble leurs particules élémentaires. Il était tellement excité qu'il se mit tout nu et oublia sa bosse. Elle était tellement émerveillée, qu'elle se laissa bercer dans le courant chaud, suspendue à l'épaule de son chevalier. Ils dansèrent longtemps l'un contre l'autre, dans une apesanteur bleue aux parfums d'orient, tantôt volant sur un tapis de Perse au dessus des palets d'Ispahan, tantôt nageant au milieu des anges-poissons, des labres et des coraux, dans la baie d'Aqaba.

Le lendemain ils quittaient le jardin parce qu'ils s'étaient trouvés. On dit que l'amour rend aveugle, mais moi je pense qu'il fait fondre les bosses et tout ce qui dépasse pour empêcher d'atteindre le bonheur.

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