03/02/2009

Du coté de la tanguera (2)


Debout au bord de la piste, bien ancrée sur mon axe, un sourire accroché à mes lèvres, j’attends. Depuis le début du bal, j’ai été invitée par quelques débutants et maintenant j’apprécierais de danser avec des aficionados éclairés du tango. J’ai espéré pendant la cortina, mais je les ai vu l’un après l’autre se diriger vers d’autres danseuses, tandis que je me retrouve là, seule au bord de la piste, avec mon sourire en train de se faner.


Pendant le cours, Philippe m’a affirmé trouver très agréable de danser avec moi, mais depuis il est passé dix fois sans me regarder. Je l’aperçois maintenant au milieu de la piste en train d’instruire sa cavalière, finalement j’aurai échappé à cela.


Victor s’approche. Oh non surtout pas lui ! Vite me retourner et chercher quelque chose derrière moi, trop tard il a déjà saisi ma main. Le buste mou, le ventre en avant, les yeux rivés sur la pointe de ses chaussures, il me tire dans la direction d’un huit avant, sans m’avoir indiqué de croiser, je rectifie la position, maintenant il veut me faire pivoter sur mon pied droit, tandis que je suis encore sur le gauche. Cela ne se fait pas, mais tant pis ! Je le remercie à la deuxième danse et je vais m’asseoir en attendant la prochaine cortina.


Voici Robert, mais lui, il préfère les jeunes beautés. Avec vigueur il enserre une superbe blonde, penchée vers l’arrière, elle cherche désespérément où poser ses pieds. Et Alfred ? Je n’ai dansé qu’une seule fois avec lui, mais c’était divin. Il m’a fait tourner, pivoter et virevolter. Portés par notre élan nous avons enchaîné les figures et sans réfléchir j’ai réalisé des combinaisons de pas, complètement nouvelles qui sont passées à merveille. Pourquoi ce miracle ne s’est-il pas reproduit ? Qu’est-ce que je n’ai pas ? Je sens le désespoir m’envahir.


Mais non, je dois me ressaisir, retrouver ma place et mon sourire debout au bord de la piste. Roulant des hanches, un "Aldo Macionne" vient s’enquérir de mon niveau de danse, avant de m’inviter. De mon meilleur accent argentin je lui réponds « Lo siento Señor, no entiendo lo que está diciendo». Il s’en va voir ailleurs et moi je retrouve Pierre.


Bien sûr, je voudrais enchaîner les boléos, les pasadas, les calesitas et sacadas ; les mordidas, colgadas et barridas. J’aimerais oublier mes pieds et me confondre dans l’énergie sensuelle de la danse, mais dans les bras de Pierre, je suis bien. J’y suis bien parce qu’il marche en rythme, parce qu’il est dans son cœur, parce qu’il est dans ses pieds et parce que nous sommes reliés par l’envie d’être ensemble. Au moment où le bandonéon se fait plus langoureux, lorsque nous resserrons l’abrazo et que le mouvement se ralentit, il a beau être un vrai débutant, moi je suis au paradis.


Aucun commentaire: