11/12/2010

Domicile commun ou chacun chez soi ?


Lorsque vous vous serez accordés, pour décider de faire un bout de chemin ensemble, viendra le moment où se posera la question, de faire ou non domicile commun. Vous analyserez méthodiquement les avantages et les inconvénients de chaque alternative et vous opérerez un choix rationnel.

Ainsi vous choisirez de vivre ensemble, afin de partager les frais ; et vous choisirez de vivre chez lui, parce qu’il possède un cinq pièces, plein sud, avec terrasse arborée et vue sur la tour Eiffel, au dernier étage du numéro sept de la rue Didot. N’hésitez pas, vous avez fait le bon choix, car vu qu’il est propriétaire, cela vous dégage de partager le loyer. Profitez-en pour sous-louer l’appartement, que vous occupiez avant de le rencontrer. Cela vous fournira un supplément de revenu à niche fiscale et vous ménagera un lieu de repli au cas où la routine conjugale deviendrait par trop quotidienne.

Toujours dans l’objectif de partager les frais, vous choisirez de vivre ensemble chez vous, parce que c’est chez vous, et parce que vous y avez toutes vos affaires. Avec beaucoup d’amour, vous lui ferez un peu de place pour les siennes, et c’est avec joie que vous accueillerez ses enfants un week-end sur deux. Depuis que les vôtres sont partis, la maison est si vide ! Vous allez revivre le bonheur de la grande tablée et de l’évier rempli de vaisselle sale. Rassurez-vous, vous avez encore fait le bon choix, car lorsque cette belle histoire d’amour prendra fin, vous retrouverez toute la place dans vos placards, sans avoir à refaire vos valises.

Quand à dix huit ans, vous vous êtes cassé de chez vos vieux, pour aller vivre à la colle avec Gérard, dans une chambre de bonne sous les toits du numéro huit de la rue Didot, c’était pour la liberté. Quand quelques années plus tard, enceinte jusqu’aux yeux, vous êtes descendus ensemble de deux étages, c’était pour un appartement plus grand. Quand vingt ans plus tard, vous avez quitté le domicile conjugal, laissant Gérard seul avec ses pantoufles, sa collection de « l’équipe », ses cannettes de bière, ses éructations diurnes et ses flatulences nocturnes, c’est parce que vous étiez enfin prête à vous assumer. Maintenant que vous savez, changer les joints de robinets, démonter et remonter une prise de courant, refaire l’étanchéité autour de la baignoire, paramétrer le nouveau téléviseur et assembler toutes les pièces d’un meuble Ikéa, pourquoi auriez vous besoin d’un homme à demeure, alors qu’il vous suffit de lui ouvrir votre lit, deux fois par semaine. Allez y, vous avez encore une fois fait le bon choix ! car vous pourrez sans souci, continuez à recevoir vos amants de passage les autres jours.

Si après mûres réflexions, ayant pesé le pour et le contre, vous vous apprêtez à quitter Paris, ses lumières et ses fêtes, afin d’élire domicile chez votre berger corse, pour y vivre d’amour, de soleil, de fromages de chèvres et de farigoulette, n’oubliez pas de laisser votre clé, pour les copines qui se préparent à quitter un Gérard. Ainsi, tout en rendant service, vous éviterez le risque de voir s’installer un squat, pendant votre longue absence. Et puis, on ne sait jamais de quoi sont capables les bergers corses ! il se peut qu’un jour, il ait besoin d’un asile politique, bien caché à l’ombre des lumières et des fêtes de la capitale.

NB : Toute ressemblance avec un Gérard particulier, ne serait que pure coïncidence, sauf peut-être s’il s’agit d’un berger corse. Mais là, c’est une autre histoire.


07/12/2010

Partager l’addition ou payer tout ?


Telle est la question que se posent parfois les hommes, lorsqu’ils se retrouvent au restaurant en compagnie d’une femme. Je dis bien parfois, car j’en connais qui ne se la posent jamais, soit parce qu’ils ont encore oublié leur carte bleue, soit parce qu’ils sont « Pleins aux as » et ont envie de le faire savoir.

Mais en dehors de ces cas extrêmes, pour tous les autres, cette question est un dilemme. Car à l’heure où la femme dispose de sa propre carte bancaire, pourquoi l’homme devrait-il user la sienne pour elle ?

Ainsi, vous Monsieur ! Vous qui êtes à sec, après avoir fait l’acquisition du dernier modèle au salon de l’auto, invitez donc une femme autonome et tellement fière de son indépendance, qu’elle n’accepterait jamais de se faire entretenir. Vous partagerez l’addition, avant de la raccompagner chez elle, dans votre nouvelle berline ; et si vous vous débrouillez bien, demain vous aurez le petit dèj gratis.

Dans le genre à ne pas se laisser entretenir, il y a aussi les militantes alternatives et écolo féministes ; mais là, il vaut mieux laisser votre grosse berline au garage et venir à vélo. Vous aurez tout le repas, pour exposer vos idées concernant le partage et la solidarité. N’en faites pas trop cependant ! vous risquez de vous retrouver à la fin du repas, pris dans un engagement à parrainer un enfant du tiers monde, qui vous coûterait plus cher que le repas.

Il se peut que vous ayez appris les bonnes manières, mais que dans un revers de fortune, vous ne soyez plus en mesure de tenir votre rang. Sachez, qu’il est du dernier chic, de dîner d’un kebab. C’est délicieux le petit doigt en l’air ! Mais peut-être préférerez-vous sortir ce qui vous reste de cristal et argenterie, pour un pique-nique sur les quais. Aujourd’hui, il n’est de plus grand raffinement, que d’étaler une nappe blanche sur les pavés, pour y déguster, assis en tailleur, caviar d’aubergines et œufs de lumpe, en levant son verre de crément !

Cependant si malgré tous ces conseils, vous persistez Monsieur, dans la volonté d’assumer seul les frais du repas gastronomique, sachez que la plupart du temps la dame n’y verra aucun inconvénient. Si au moment ou le serveur apporte l’addition, vous la voyez amorcer un geste vers son sac, à la recherche d’un improbable moyen de paiement, esquissez un geste pour l’interrompre et accompagnez-le d’un discret « ça me fait plaisir » ! vous verrez que sans insister davantage, elle laissera là son sac en vous remerciant, et vous en sortirez grandi de toute son estime.

Par contre, si de votre place, vous hélez le serveur, et brandissant votre carte américan express, vous lui gueulez « l’addition, c’est pour moi » ; là, vous ressemblerez à quelqu’un qui, dans une salle de ventes aux enchères, est en train d’acquérir un droit de coucher. Même si au final, tout le monde veut en arriver là, ce qui compte justement, c’est d’y arriver !


27/11/2010

Victor, son oncle et le petit oiseau.


Quand Victor est arrivé, ses parents avaient déjà quatre filles, c’est dire s’ils ont été heureux de le voir pointer le bout de son nez. Et quand je dis le bout de son nez, je devrais plutôt dire le bout de son sexe. Il fallait voir la fierté de la maman, quand devant la famille et les amis réunis, elle s’appliquait sans pudeur à la toilette de son fils. On l’avait connue plus discrète, quand elle s’était occupée de ses filles ; mais ce petit oiseau là, comme elle l’appelait, rendait enfin honneur au papa. C’est ainsi que Victor avait grandi, avec la conscience de l’importance de son sexe.

A 10 ans, quand il est entré chez les poussins, il a soudain découvert dans le vestiaire du stade, que son petit oiseau était d’une espèce chétive. Et c’est pour lui redonner confiance, que l’oncle Robert est devenu son entraîneur au jeu de celui qui pisse le plus loin. Le soir venu, ils descendaient tous les deux sur la voie désaffectée de la petite ceinture, par un passage secret à partir de la rue Didot. Quand il revenait de ces entraînements, Victor était prêt pour la compétition. De tous ses copains, il était devenu le plus fort, du coup personne n’osait plus se moquer de l’oiseau. Après les poussins, il est passé chez les benjamins, puis les minimes et sa carrière de footballeurs s’est arrêtée là, mettant fin également aux exhibitions de vestiaires et aux compétitions de celui qui…

A 15 ans, quand Victor a commencé à s’intéresser plus sérieusement aux filles, celles-ci étaient au courant de sa particularité, déjà informées par les copains, ceux là même qui étaient toujours perdants au jeu de celui qui… Le jour où Sophie, la plus hardie des filles, est venue lui proposer un rendez-vous au fond du parc, il a tout de suite senti qu’il se tramait quelque chose. Cependant, l’oncle Robert qui avait une solution pour tous les problèmes, avait prévu la parade. Victor est allé au rendez-vous, et quand Sophie est venue se frotter contre lui, il était près ; il lui a roulé une pelle et peloté les nibards, comme quelqu’un qui s’y connaît. Puis, comme l’avait prévu l’oncle, Sophie est allée vérifier entre ses jambes ; mais là, c’est elle qui a été surprise de sentir sous la braguette, une forme bien plus importante que celle qu’elle attendait. Les trucs de l’oncle Robert avaient marché ! Décontenancée, Sophie s’est sauvée sans en demander plus. A partir de ce jour, les filles ont regardé Victor autrement, et les garçons l’on laissé tranquille.

A 18 ans Victor a connu Mélanie. Mélanie, qui était toute petite, avait très peur de tout ce qui était gros, alors vous imaginez la suite ! Après il connut Cerise, qui n’aimait rien tant que la vitalité ; la taille, à ce qu’elle prétendait, ne faisant rien à l’affaire. Ensuite il connut Rachida, mais revint à Cerise.

Puis Victor a eu des neveux, qui avaient les mêmes gènes que lui. Alors, à l’âge où ils ont commencé à fréquenter les vestiaires du stade, il est redescendu avec eux, sur la voie encore désaffectée de la petite ceinture, par le passage secret de la rue Didot ; et à l’âge où ils se sont intéressés aux filles, il leur a transmis tous les trucs de l’oncle Robert, auxquels il a rajouté les siens.

Epilogue : Il faut toujours avoir un oncle Robert, un oncle Victor, ou n’importe quel oncle, pourvu qu’il connaisse, le jeu de celui qui…, et tous les trucs qui sauvent.


07/11/2010

La tanguera peut-elle inviter le tanguéro ?


A priori, rien n’empêche la danseuse de tango, d’inviter un partenaire de danse, à venir dîner chez elle demain soir. Non, rien ne l’empêche ! Tout comme rien ne l’empêche, d’en inviter un autre, à se serrer pour lui laisser une place assise autour de la piste, afin d’attendre confortablement, qu’il vienne l’inviter à danser. De même que cette tanguéra, lorsqu’elle sera restée depuis plus d’une heure assise confortablement au bord de la piste, rien de l’empêchera d’inviter son voisin, à soulever la fesse, qu’il vient malencontreusement d’asseoir, sur un pan de sa jupe.

Une tanguéra a tout à fait le droit de, s’ébouriffer les cheveux, ou se redessiner les lèvres, afin d’inviter le danseur de tango à la regarder. Elle peut aussi, d’un sourire ou d’un léger clignement d’oeil, inviter le tanguéro, dont-elle vient de croiser le regard, à lui répondre. Elle peut encore se positionner dans une posture invitante sur le bord de la piste. Ou passer et repasser devant le tangéro, afin d’inviter ses jambes à se dégourdir. Elle peut même inviter son voisin, celui là même qui tout à l’heure avait posé sa fesse sur le pan de sa jupe, elle peut disais-je, l’inviter à échanger quelques mots concernant la régularité avec laquelle il fréquente ce lieu. Et s’il a de la conversation, plus tard elle l’invitera, à l’écouter évoquer son niveau de danse, son nombre d’années de pratique régulière, ainsi que le nom de ses prestigieux professeurs.

Ainsi donc la tanguéra peut très bien inviter le tanguéro, (silence), à profiter de son éventail, à admirer ses escarpins, à évaluer les couples de danseurs, qui évoluent sur la piste. Oui, ça aussi elle y a droit !

Par contre ce qu’elle ne peut pas, mais là je ne vous apprends rien, elle ne peut pas inviter un tanguéro à danser un tango, pas plus qu’elle ne peut l’inviter à danser une valse ou une milonga ! En revanche, s’il est de Landerneau, elle peut l’inviter à danser une gavotte !


Pour en savoir plus : http://www.youtube.com/watch?v=JHoJlGSCu_Y&feature=related

18/10/2010

Ange ou démon ?


Cela fait vingt quatre ans que je suis l’ange gardien de Sofia D’Alembert et je n’en peux plus ! Vous n’imaginez pas les souffrances que j’endure, en assistant à tous les instants de sa vie.

Jusqu’à douze ans, Sofia était une adorable petite fille, qui a poussé comme une fleur. Mais aujourd’hui, qu’elle est devenue une divine jeune fille, je suis bouleversé, chaque fois que je la vois se déshabiller. Lorsqu’elle se glisse nue dans son bain, j’en suis tout chamboulé, quand devant son miroir, elle se cambre pour observer ses fesses et puis se retournant elle caresse ses seins, oh « Bon Dieu » ! On a beau être un ange, caché sous l’aube vertueuse, il y a un corps céleste qui s’émeut tout autant que celui d’un humain ; avec en plus, dans le dos, des ailes qui s’agitent de frétillements incontrôlés.

Vous pouvez discutez du sexe des anges ! moi je vous dis que je suis à la torture, dès que son petit ami entre dans sa chambre. Quand il l’enveloppe de ses bras, quand elle enfouit son visage dans l’échancrure de la chemise ouverte, quand il lui mordille l’oreille, et que la tête en arrière, elle éclate en rires cristallins, quand il s’allonge sur elle, et qu’ensemble ils s’abandonnent à leurs soupires, oh « Nom de Dieu » ! c’est diabolique ! Et pendant qu’ils sont aux anges, moi j’ai envie de décocher une flèche, qui les transpercerait tous les deux en même temps. On a beau être une créature céleste, on n’en est pas moins pourvu d’états d’âme, et moi je suis tellement jaloux, que c’est un enfer, de devoir rester coincé au paradis, à les regarder s’ébattre.

Depuis vingt quatre ans, combien de fois suis-je intervenu pour la protéger d’un accident imminent ? Mais ce matin, lorsque s’apprêtant à traverser la rue Didot, sans regarder, ni à gauche, ni à droite, elle faillit se jeter sous une voiture, j’ai eu un moment d’hésitation. Un choc mortel, l’aurait tout de suite conduite au ciel ; ainsi je n’avais plus qu’à l’amener à Saint Pierre et plaider sa cause, afin de lui ouvrir les portes du paradis. De sorte que, nous aurions pu couler ensemble des jours heureux à s’aimer pour l’éternité. Cependant au dernier moment, renonçant à devenir faiseur d’ange, j’ai attiré son regard vers la vitrine de chez Bérénice, où une étalagiste installait la collection d’hiver. C’est ainsi que la voiture est passée sans heurt et que Sofia est restée parmi les humains, à contempler un petit manteau de la dernière mode. Pourquoi j’ai fait ça ? Mais parce que j’ai soudain eu peur, de ne jamais réussir à gagner son amour.

Avec une patiente d’ange, je continue donc à faire bonne figure et me réjouir avec mon collègue, du bonheur de nos deux protégés, car si par malheur on soupçonnait mon trouble, je me verrais immédiatement relevé de mes fonctions et reclassé dans l’armée céleste, sous les ordres de l’archange Michel, celui là même qui terrassa les démons. Ou pire encore, je pourrais être jeté aux enfers et devenir démon moi-même. Afin d’éviter un tel sort, je cache soigneusement mon trouble sous mon aube pure.

Au Paradis, à l’heure où l’ange passe, je rêve parfois d’une salsa démoniaque où je serais Belzébuth. Et dans les nuits chaudes de l’enfer, elle deviendrait Lilith. Tandis que je serais en rut, je l’enflammerais, et membres emmêlés, nous roulerions ensemble dans la luxure, ruisselants de sueur, assoiffés de désirs, brûlants de nos ardeurs, avides de plaisirs, voraces de nos chairs, et dans cette géhenne, un chœur de hurlements s’élèverait pour célébrer l’amour, jusqu’à l’épuisement.


12/10/2010

Chez Jef


Quand je suis arrivée à Villeneuve pour le stage de chant, JP m’a dit « Jef n’est pas là, mais tu peux dormir chez lui ! ». « Va pour chez Jef ! » que j’ai répondu.

Chez Jef, ça pourrait être une maison carrée, avec une entrée sur un large couloir, à droite un grand séjour-cuisine, au fond un salon donnant sur un jardin composé d’une terrasse en béton et de deux parterres symétriques, séparés par une allé de béton elle aussi.

Chez Jef c’est ça ! Une maison tapissée de vert et jaune, avec le carrelage assorti et l’escalier de chêne, menant à la chambre. Une maison avec de larges portes et des placards dans les murs , une maison pratique et rationnelle, sauf que…

Sauf que le couloir est encombré de cartons et de vélos qui bloquent l’accès au salon. Sauf que dans le jardin, les herbes poussent en liberté. Sauf qu’au milieu du séjour il y a un piano avec autour : un tapis de partoches (Chopin, Bach et les autres) ; des tours de Pise de disques (des vrais et des copies) et des bouquins de la catégorie « Tout pour la musique ».

Dans le salon il y a le coin « tout pour la photo », des magasines, des appareils avec des objectifs de toutes tailles et d’autres trucs dont j’ignore la fonction, ainsi que deux bougies avec l’étoile de David.

Sur le mur d’en face il y a la bibliothèque de Jef. Jef il est comme moi, il doit pas lire beaucoup, ou alors, tous les livres qu’il aime, il les donne pour que les autres en profitent aussi. Ou peut-être qu’il est inscrit à la bibliothèque municipale, mais là franchement j’en suis pas certaine. Non Jef, je pense qu’il a pas trop le temps de lire des romans, tellement il a d’autres trucs à faire. Alors forcément, quand il lit, il perd pas son temps, il lit que des bons. Je le sais parce que j’ai lu les mêmes : Fred Varga, Anna Galvalda, Pierre Desproges, Robert Merle, un André Brink qui date de l’apartheid. Sènéque et Aristote, ça j’ai pas lu ! la source du Taiji Quan non plus ! et XY de l’identité masculine, ça j’ai essayé ! Un boite de millepertuis bio, que c’est bon pour le moral, ah bon ! Jef, il lit aussi le courrier international, parce qu’il se tient informé et parce qu’il a pas le temps de lire libé tous les jours

Dans la salle de bain de Jef, il y a de l’eau de Cologne fraîcheur ambrée et une crème réparatrice à l’aloé vera, mais dans sa chambre je ne sais pas, j’ai pas osé entrer.

Alors j’ai dormi dans le salon, sur le canapé et j’ai vraiment très bien dormi, parce que j’ai rêvé que le matin, Jef, il était là. Il m’avait préparé le petit dèj, avec du café, des tartines grillées et un grand sourire qui lui traversait le visage. Un sourire rien que pour moi, comme les tartines et le café. Quand le téléphone a sonné, il était en train de se pencher pour m’embrasser. Oui parce que Jef il est plutôt grand et moi plutôt petite. Quand le téléphone a sonné je me suis réveillée et y avait plus de Jef, plus de tartines, ni de café, mais un répondeur téléphonique qui s’est mis en route au bout de cinq sonneries. Moi, je savais pas que les répondeurs enregistreurs ça existaient encore, alors forcément j’ai été un peu gênée d’entendre le message. J’ai pas écouté, mais j’ai tout entendu. J’ai entendu sa maman qui venait aux nouvelles de son fils. Et cette maman là, quand elle disait « mon fils » tu sentais dans ce « mon fils » tout l’amour d’une mère juive. Ma mère qui n’est pas juive, quand elle appelle mon frère, elle l’appelle Christophe et quand elle lui parle, elle dit Christophe, elle dit pas « mon fils », même si elle l’aime bien quand même, mais ça fait moins émouvant.

Ensuite, je me suis fait un café et des tartines grillées ; après m’être brossé les dents, je me suis mis une touche d’eau de Cologne fraîcheur ambrée derrière les oreilles et je suis partie. Mais depuis, j’arrête pas de penser à Jef, au délicieux désordre avec le piano au milieu, aux herbes folles entourées de béton, à la voix de sa maman quand elle disait « mon fils », au grand sourire qui traverse le visage de Jef au moment de m’embrasser. Mais ça s’arrête toujours là, j’arrive même pas à imaginer la suite. Je me suis acheté un flacon d’eau de Cologne fraîcheur ambrée et une boite de millepertuis bio, rien à faire ! Alors pour l’oublier, j’ai réessayé XY de l’identité masculine, mais j’ai pas réussi à me concentrer, y a toujours le sourire de Jef qui revient se mettre en travers pour me barrer la route. J’aurais pu essayer de le rencontrer en vrai, mais c’est même pas la peine, c’est sûr que sa mère, elle voudra jamais d’une goye auprès de « Son fils ».

J’ai besoin d’un peu d’aloé vera pour me réparer.


02/10/2010

Comment séduire un homme de plus de cinquante ans, quand on a le même âge ?


Ne perdez pas votre temps, sauf à quelques rares exceptions, c’est impossible ! Essayez plutôt les hommes de soixante, et sachez que vous améliorerez vos chances avec ceux de soixante dix et plus. Nous avons toutes fait le constat empirique, que la capacité de séduction de la femme sur l’homme, augmente avec le différentiel d’âge. C’est chimique, nous n’y pouvons rien, même les spermatozoïdes courent plus vite si l’ovule est plus jeune.

Par contre, si vous êtes une quinquagénaire élégante et perspicace, vous pouvez essayer de séduire un homme de moins de quarante. Mais si, mais si ! essayez, ça marche !

Vous allez rétorquer que maintenant, avec votre petit ventre, la chose est devenue impossible. En effet, un homme de votre âge le verra tout de suite, vu qu’il a le même, dans la taille au dessus. Quant au trentenaire, il ne remarquera même pas la cellulite qui commence envahir vos cuisses, ni les poches sous vos bras. Lui, il ne regardera que vos seins délicieux et vos fesses exquises. Et sachez que, c’est votre savoir faire, qui le séduira avant tout.

Alors allez y ! Apprenez-lui à vous donner du plaisir, entraînez-le à contrôler son énergie, montrez-lui les gestes, faites-lui entendre là où c’est si bon ! Lâchez-vous ! Soyez libre, vous n’en serez que plus belle ! Et vous, dégustez le ! Savourez les reflets du soleil sur ses tablettes bronzées ; laissez vos mains visiter ce corps ferme et tonique ; plongez vos doigts dans ses cheveux, profitez tant qu’il est encore temps ! Ainsi, vous comprendrez mieux votre ex-conjoint, dans sa quête de petits seins dressés vers le ciel, de fesses fermes et toniques et de peau de tambour tendue entre les hanches, de femmes plus jeunes que vous.

Mais tandis que votre trentenaire vous deviendra accro, gardez-vous bien de vous attacher vous aussi. Un jour viendra où, fort de votre initiation, il sentira monter en lui l’instinct de reproduction. C’est la nature et vous n’y pouvez rien ! Alors laissez le partir à la conquête d’une femelle de son âge ; celle-là même qui l’avait délaissé pour se faire affranchir, par un quinquagénaire. Mais soyez patiente ! Ne vous occupez pas de ce qui se joue entre eux.

Faites confiance en la vie ! Dites-vous plutôt, que l’amour raffermit les abdos, muscle le périnée, que les caresses lissent les rides et retendent les chairs. Ainsi maintenant, avec dix ans de moins, allez donc dégourdir un moins de trente ou même de vingt, il vous attend !

Jusqu’au jour où, l’homme de votre âge, repu de jeunettes, viendra lui-même, tenter de vous séduire.


25/09/2010

Que fait la femme mariée, pendant que son époux se laisse séduire par une autre ?


suite de : comment séduire un homme marié


Mais oui, en effet ! que fait-elle ?

En réalité, il y a plusieurs catégories de femmes, dont le mari se laisse séduire par une autre.

Il y a celles qui pendant ce temps, clavardent sur le web à la recherche d’une cyber-émotion. Elles clavardent avec les célibataires depuis deux ans et plus. Vous savez ! ceux là même qui désertent les endroits fréquentés par les femmes seules de plus de quarante ans ; je veux parler des randos, du yoga et des chorales. Mais laissons les clavarder en paix, ils ne dérangent personne ; et surtout pas le mari, qui trouvera son repas près, lorsqu’il rentrera harassé après sa rude journée. Car pendant que le célibataire pianote pour demander à la dame, si elle est plutôt culotte ou plutôt string, elle, elle prépare la soupe pour sa famille. Et entre l’épluchage de la carotte et du poireau, elle lui raconte la couleur de ses sous-vêtements en dentelles. Si tout va bien, ils échangeront leurs téléphones, et il se peut que madame passe dans la deuxième catégorie. Mais ils se peut aussi, qu’ils continuent longtemps à se cyber-désirer. Auquel cas, la soupe sera toujours prête quand le mari rentrera.

Dans la deuxième catégorie, il y a les femmes mariées qui ont quitté leur clavier pour passer aux travaux pratiques, et découvrir avec les célibataires de deux ans et plus, tout ce qu’elles veulent savoir sur le sexe, sans avoir osé le demander à leur mari. Car vous n’êtes pas sans ignorer, que le célibataire de deux ans et plus, connaît toutes les techniques du plaisir : du kamasoutra au tantra, en passant par le massage thaïlandais et californien. C’est que depuis qu’il est célibataire, il a eu le temps d’en apprendre des choses !

Parmi les femmes mariées de la deuxième catégorie, il a celles qui reçoivent chez elle, entre quatorze et seize, quand les enfants sont à l’école et celles qui sont reçues chez le célibataire. Et parmi les célibataires, il y a ceux qui reçoivent dans un intérieur propre et rangé, et ceux qui font l’économie de quelques heures de ménage, vu qu’avant de s’allonger sur leur lit, la dame passera une heure à ranger la chambre et récurer la salle de bain, si elle veut être à l’aise. Quoi qu’il en soit, ce qui relie toutes les femmes mariées de la deuxième catégorie, c’est le lit.

Mais, il existe aussi une troisième catégorie de femmes mariées, dont le mari se laisse séduire par une autre. Ce sont les femmes qui viennent de prendre contact avec leur avocat, après avoir fait l’acquisition d’une grande valise. Deux options peuvent alors se présenter : soit elles remplissent la valise avec leurs propres effets et s’apprêtent à quitter le domicile commun ; soit elles remplissent la valise avec les effets du mari, avant de la déposer sur le pallier et de changer la serrure de la porte. En tout état de cause, il s’agit là de femmes qui vont bientôt se retrouver avec le statut de femme seule.

Passé la période du deuil conjugal, lorsqu’elles auront retrouvé le désir de séduire, si elles ont plus de quarante ans, viendra alors le moment où elles se poseront la question, « mais où sont donc les hommes ? ». Par contre si elles ont quarante ans et moins, il leur suffira d’ouvrir les yeux, pour voir tomber sur elles, tous les hommes de cinquante ans et plus.

A suivre : Comment séduire un homme de plus de cinquante ans, quand on a le même âge ?


19/09/2010

Comment séduire un homme marié ?


Mais quelle idée de vouloir séduire un homme marié, alors qu’il y a tant de célibataires à Paris !

Certes, mais le célibataire restant coincé devant son écran d’ordinateur, à parcourir le web à la recherche d’une cyber-émotion, il est plus facile de séduire un homme marié, parcourant Paris à la recherche de l’orgasme tridimensionnel, qui le décoincera de la banalité de sa vie conjugale.

Ainsi donc, « comment séduire un homme marié » est une question qui se doit d’être posée, afin d’apporter une réponse à toutes les femmes, qui passé la quarantaine, se demandent toujours « Où sont les hommes ? »

Mais d’abord comment reconnaître un homme marié, en dehors du fait qu’il porte parfois une alliance à la main gauche ? Et bien, après avoir observé le quatrième doigt de sa main gauche, demandez-lui simplement s’il vit seul ou en couple. S’il vit seul, demandez lui depuis combien de temps. Si la réponse dépasse deux ans, passez votre chemin ; il y a de fortes chances qu’il soit devenu un accro-dépendant du clavardage cyber-émotionnel.

Mais s’il vous répond qu’il vit en couple depuis plus de 10 ans, c’est là que vous avez toutes vos chances. Emerveillez vous d’abord d’une telle longévité, alors que l’espérance de vie d’un couple ne dépasse pas l’année. Sans être interrogative, intéressez vous à lui, faites vous attentive, car sachez qu’il y a bien longtemps que sa femme ne l’écoute plus. Ne parlez de vous que lorsqu’il vous y invitera, car n’oubliez pas que chaque jour sa compagne l’entretien de ses propres états d’âme, et que s’il est près de vous, c’est pour se reposer.

Laissez venir le moment où il sera question de sexe, car l’essentiel est là, et il ne faudrait surtout pas gâcher la rencontre, par une mauvaise approche du sujet. Lorsqu’il vous demandera comment vous vivez la chose, ne soyez pas trop précise, laissez planer un peu de mystère, tout en vous montrant dynamique et ouverte. Sans vous étendre sur les détails, laissez entendre que vous avez un peu d’expérience. Le « un peu » pouvant s’interpréter à la convenance de chacun.

S’il devient plus précis et vous demande combien vous avez eu d’hommes dans votre vie. Utilisez ce truc qui marche toujours : concentrez-vous et commencez lentement à compter, main droite fermée en ouvrant les doigts l’un après l’autre « un, deux, trois, quatre, cinq ». Quand les cinq doigts de la main droite sont ouverts, passer à la main gauche « six, sept, huit, neuf, dix ». Ensuite recommencer en accélérant avec la main droite « onze, douze, treize, quatorze, quinze », puis accélérez encore avec la main gauche, « seize, dix sept, dix huit, dix neuf, vingt ». Et terminez par les deux en même temps « trente, quarante, cinquante,… ». Cela l’amusera, rappelez-vous que les hommes mariés apprécient les femmes qui ont de l’humour, car il y a bien longtemps que leur compagne n’a plus envie de les faire rire.

Dites lui encore que vous connaissez les lieux libertins, car vous avez des amis qui les fréquentent, mais vous, vous n’avez pas encore eu l’occasion d’y mettre ni les pieds, ni le reste. D’ailleurs, vous ne savez pas si vous en seriez capable. Il se fera un plaisir de vous initier et plus tard si vous décidez de ne pas vous y laisser entraîner, vous pourrez toujours vous excuser en prétextant que vous réservez ça à l’homme de votre vie.

Lorsque vous l’aurez séduit, vous découvrirez vite qu’il ne vous consacrera que les heures vacantes entre sa vie professionnelle et conjugale. Alors ne restez pas à l’attendre, forte de votre première expérience, allez y ! séduisez un second homme marié. Lorsque ainsi, vous aurez conquis plusieurs amants, c’est vous qui les ferez languir en remplissant votre carnet de rendez-vous. Et si un jour, vous n’avez vraiment plus assez de temps pour tous les satisfaire, n’oubliez pas que je suis toujours là pour vous aider.


CLAVARDAGE : néologisme d’origine québécoise, composé des mots clavier et bavardage. Il signifie donc bavarder en utilisant un clavier.

A suivre : Que fait la femme mariée, pendant que son époux se laisse séduire par une autre ?

10/07/2010

Espérance et Fortune


Ils l’avaient tellement attendue, qu’à sa naissance, ses parents l’avaient appelée Espérance. Ensuite et parce qu’elle serait leur seul enfant, ils avaient placé sur en elle tous leurs espoirs. Cependant il faut bien le reconnaître, ils étaient allés de déception en déception : d’abord, elle les avait réveillés toutes les nuits pendant trois ans ; ensuite, ce n’est que vers cinq ans qu’elle se décida enfin à devenir propre, mais elle continua encore à brailler dès qu’on lui retirait sa tétine. En primaire, elle avait redoublé le CP et le CM1 et au collège la sixième et la quatrième, de sorte que, quand l’heure du lycée avait sonné pour elle, elle avait déjà dix neuf ans. Sa scolarité s’arrêta là et elle se mit à chercher un travail ; mais aussi peu dégourdie et sans aucune qualification, les recherches restèrent vaines. Elle épousa alors un vague cousin du coté de son père, un vieux garçon maniaque, dont la mère voulait se débarrasser, car il commençait à devenir encombrant. On ne peut pas dire que la fête du mariage fut des plus joyeuses : c’était une union quelque peu arrangée où de chaque coté, les parents se déchargeaient d’une progéniture peu enviable, afin de mieux profiter du reste de leur vie. Cependant le répit ne fut que de courte durée, car dès que son mari commença à la battre, Espérance revint frapper à la porte de ses parents, qui ne purent faire autrement que de la recueillir. Finalement, Espérance aurait tout aussi bien pu s’appeler Calamité !


C’est au cours du bal de la rue Didot, la fête du quartier, qu’Espérance rencontra Fortuné. Comme son prénom ne l’indique pas, il était né dans une famille des plus pauvres parmi les plus pauvres et ses parents l’avaient fait baptiser Fortuné en comptant bien que ce prénom allait l’extraire de la fatalité qui l’avait fait naître ici. Il faut croire que le Seigneur n’avait pas saisi la subtilité, car le destin de Fortuné n’avait pas grand-chose à envier à celui d’Espérance. Mais par égard pour lui et comme le disait si bien sa mère « Chacun ses misères, à quoi bon les étaler davantage » ; ce à quoi sa voisine qui était d’opinion différente répondait « Moi ça me fait du bien d’entendre qu’il y a plus malheureux que moi ». Ainsi, comme la voisine, nous aurions pu nous étendre sur les maladies et les épreuves qui s’étaient abattues sur ce pauvre Fortuné, mais le temps imparti étant limité, nous nous en teindrons là.


Au bal de la rue Didot, Espérance et Fortuné, qui ne savaient danser ni l’un ni l’autre, restèrent assis sur un banc, se tenant par la main à regarder danser les autres, un sourire de béatitude éclairant leur visage d’un air imbécile et heureux ; mais d’ailleurs qui a vu qu’être amoureux donnait l’air intelligent ? A partir de ce jour, leur vie se mit à changer : en plus d’être heureux, ils se découvrirent des compétences dans le petit commerce et maintenant ils exploitent ensemble un magasin d’épicerie fine et produits frais sur la rue qui a vu naître leurs amours.


Un matin que sirotant mon café, accoudée au bar de l’Imprévu, tandis que Monsieur Nivert professeur à la retraite, dégustait son petit blanc tout en remplissait une grille diabolique de sudoku à sa table habituelle, je les vis passer dans la rue, main dans la main, se rendant à leur boutique. Ce jour là je m’étonnais tout haut de la métamorphose qui avait touché ce couple. C’est là que Monsieur Nivert me répondit en reprenant son rôle de professeur de mathématiques « n’oubliez pas mademoiselle, que moins par moins égale plus ! »


28/06/2010

L’amour du pouvoir et le pouvoir de l’amour


Il y a ceux qui ont l’amour du pouvoir et ceux qui ont le pouvoir de l’amour, mais lui il a les deux.


Quand il plonge ses yeux dans les miens en déclarant qu’il n’aime que moi, quand je sens son cœur vibrer d’émotion tout contre le mien, comment pourrais-je en douter ? Quand le lendemain il disparaît au milieu d’une phrase, quand le surlendemain et les jours d’après il n’est pas réapparu et que soudain il là finissant son propos, comme s’il ne m’avait pas quittée une seconde, l’amertume s’efface, car déjà il me prend la main pour m’emmener vers des palais où il se métamorphose en prince, où je suis sa princesse, où l’on nous congratule, l’on nous honore, l’on nous photographie et je reste éblouie. Puis il passe par des larmes remplies d’humilité, par des rires éclatants d’authenticité, par des serments aux accents de sincérité, avant de laisser éclater sa colère, parce qu’une ombre légère a voilé son reflet, parce la chute d’une plume a troublé son écoute. Et moi, je reste là consternée, impuissante.

Mais quand il m’aime comme il est capable d’aimer, c’est plus que tout ce qui peut être imaginé, c’est sans limite. Il y a de ces jours où tout ce qui peut être dit est dit, où tout ce qui peut être fait est fait.

Il y aussi les lendemains tout est dédit avec la même conviction et tout est défait avec la même force, parce qu’il est ainsi.


Mais ce matin, je suis fatiguée !



21/06/2010

Autant pour lui, au temps pour elle.


La journée commençait bien, Paul était plongé dans un rêve érotique matinal, avec Stéphanie de la dircom, celle qui fait fantasmer tous les gars du bureau, cette grande blonde athlétique avec ses longues jambes qui n’en finissent pas de s’échapper sous sa mini jupe. Tandis qu’elle lui glougloutait le poireau, lui lubrifiait le piston et lui scalpait le mohican de sa bouche pulpeuse, à l’autre bout Sophie lui roulait une large pelle et de sa langue fine et vigoureuse, elle tricotait avec la sienne, pour lui astiquer le palais et lui dégourdir les papilles. C’est à ce moment là que dans la rue, l’avertisseur de recul de la laveuse de trottoirs s’est mis en route, laissant notre Paul sur green, comme une balle de golf qui aurait fini sa course juste au bord de son trou.


Quand la laveuse de trottoirs est repartie en avant, pour disparaître dans la rue Didot, Paul a essayé de se rendormir avec la ferme intention de retrouver son rêve. Mais c’était trop tard, il était bel et bien réveillé ! Alors tout émoustillé, il s’est retourné vers Sophie qui dormait profondément près de lui. Il a commencé doucement à promener ses mains sur les seins et le ventre de sa compagne, qui s’est mise à ronronner sans vouloir se réveiller complètement. Puis il s’est lentement glissé sous les draps, pour aller lui faire un kiss-minou, avant de lui sucer la friandise et de lui chatouiller le bijou. Sophie ronronnait toujours en frétillant du popotin.


Et puis n’y tenant plus, à l’heure où les boulangers sortent les derniers bâtards, lui il a enfourné sa baguette. C’était plus que chaud, c’était brûlant. C’était comme s’il avait mis son petit diable dans l’enfer et il n’avait pu se retenir bien longtemps, laissant Sophie sur le bord de la route.

- Autant pour moi, s’excusa-t-il tout de suite.

- Au temps pour toi ? tiens donc ! s’étonna-t-elle, et bien voyons cela !

Sophie dirigeait déjà sa main vers le sexe de Paul, afin d’en vérifier la vigueur et constater que celui-ci était de devenu comme un petit oiseau tombé de son nid.

- Mais enfin, qu’est que tu veux Sophie ? Je reconnais que je suis allé trop vite et je m’en suis excusé, autant pour moi !

- Oui mais au temps pour toi, ajouta-t-elle d’un air ironique, cela signifie que tu prétends recommencer !


Et là voilà partie dans la signification étymologique de cette expression. La seule, la vrai, celle donnée par l’académie française ! Celle qui tire son origine du langage militaire « au temps » utilisée pour commander la reprise d’un mouvement depuis le début. Puis cette formule aurait glissé vers le sens figuré actuel : ainsi prononce-t-on cette locution pour admettre une erreur, en signifiant que l’on va reconsidérer la question. Tandis que le « autant pour moi », la forme elliptique de « c’est autant d’erreur que l’on peut mettre à mon actif » ne se justifie en rien du point de vue de l’académie. Une autre théorie postule que la graphie « au temps pour moi » serait en réalité une forme pédantesque de « autant pour moi » tandis que celle des origines militaires de l’expression ne serait qu’une légende…


Paul n’écoutait plus, il n’aimait pas quand Sophie se mettait à jouer la maîtresse d’école. Et maintenant, autant pour elle que pour lui, il serait bien retourné, sans tracasseries étymologiques, lui titiller le boulingrin et lui bouloter le mille feuilles. Mais tant qu’elle était occupée à l’étage supérieur à se masturber l’intellect, ce n’était pas la peine de tenter une descente à la cave.


14/06/2010

Le laveur de vitres


Quand Abdelatif Benali sonne à la porte de Katia Bronskaïa comtesse de la Ferrière, il est inquiet. Cela fait maintenant vingt ans qu’il vit en France, où il exerce son métier de laveur de vitres sur toutes sortes de bâtiments : de la tour au simple pavillon et de l’usine au grand magasin. Cela fait vingt ans qu’il manie l’éponge sur des surfaces vitrées de toutes dimensions, vingt ans qu’il dirige ses raclettes, suspendu par un harnais au bout d’une corde ou accroché dans une nacelle. Cela fait vingt ans qu’il négocie avec des commerçants, des banquiers, des industriels et des politiciens de toutes sensibilités. C’est vous dire s’il connaît son métier ! Mais c’est la première fois qu’il se présente chez des aristocrates et les us et coutumes de ce monde là, sont un mystère pour lui. S’il avait eu le temps il se serait informé, comme il le fait toujours, car Abdelatif ne laisse rien au hasard. C’est d’ailleurs grâce à cette rigueur et à la qualité de son travail, que l’entreprise Benali de la rue Didot prospère depuis vingt ans.

Maintenant, devant la porte de Katia Bronskaïa, Abdelatif Benali repense à cet appel téléphonique, qui l’a amené à bouleverser son planning. La comtesse de la Ferrière donne une soirée pour fêter l’arrivée du printemps et toutes les surfaces vitrées de la maison doivent être impeccablement nettes, afin de laisser passer la lumière du renouveau. Il a déjà suffisamment de travail comme ça et il aurait refusé s’il n’y avait eu cette voix ! Une voix, tantôt profonde et grave pour exprimer l’urgence, tantôt fraîche et légère pour l’inviter à accepter. Une voix douce et suave, une voix envoûtante, qui a touché en plein cœur, le laveur de carreaux. Et le voilà à présent, avec son matériel autour de lui, pressant sur la sonnette, devant la porte de l’hôtel particulier. Quelques instants plus tard, une soubrette l’introduit dans le vestibule. Quelques instants encore et la comtesse apparaît vaporeuse, au sommet de l’escalier, dans la mousseline blanche de son déshabillé.

Il la regarde descendre et son cœur bat à tout rompre. Vite ! trouver ce qu’il faut dire et faire dans une telle situation ! Quelques marches les séparent encore, mais déjà Katia Bronskaïa tend vers Abdelatif sa longue main fine. Une image lui vient, échappée d’un quelconque film et il s’en empare, comme il le ferait d’une bouée de sauvetage. Ainsi, lorsque la souriante comtesse de la Ferrière le rejoint sur le plancher, c’est un genou à terre qu’il reçoit la main offerte et avec la plus grande délicatesse, il la porte à ses lèvres pour y déposer un baiser sonore autant que généreux.
- Madame, ji mi tiens à voutri disposition pour le nittoyage di tous vos carreaux ! lui déclare-t-il avec un léger reste d’accent de son pays natal, dis-moi ci que ji dois faire et ji ti li fais tout di suite !

Katia Bronskaïa ne bouge pas, sa petite main fragile contenue dans une poigne virile. Elle vit pleinement le contact des lèvres humides écrasées sur sa peau et le souffle chaud remontant le long de son poignet vers son bras. Elle est là debout, la tête légèrement en arrière, la bouche entr’ouverte, les yeux fermés. Une onde de frissons parcourt son corps tout entier. Elle resserre son sexe sur son désir. Elle vibre, elle va crier, elle se retient. Un « oh !» à peine perceptible, s’échappe de ses lèvres, que le laveur de carreaux n’entend pas, tout occupé qu’il est, à admirer une si jolie main. Une main blanche et parfumée, une main lisse et douce, c’est donc cela une main aristocratique !

Lorsque Katia Bronshaïa la récupère lentement, Abdelatif Benali est rassuré, il sait qu’il a eu la bonne intuition.


29/05/2010

Comme une épave !


Vous ne vous rendez pas compte, mais cette histoire m’a pourri la vie ! Tout ça parce qu’un jour j’ai accepté de poser pour un mec, qui voulait dessiner sur le sable, mon doux visage qui lui souriait.


C’est vrai qu’il était mignon le gars : cheveux longs, pattes d’eph et guitare. Le soir, avec tous les copains, on a fait un feu sur la plage et on a chanté « j’entends siffler le train » et tous les trucs à la mode. Il disait qu’il voulait devenir chanteur, en ce temps là moi aussi je rêvais d’être une vedette. On a passé la nuit à la belle étoile et au petit matin j’ai vite filé rejoindre la colo. Mon jour de repos étant fini, je devais reprendre mon service à sept heures.


Ce jour là il a plu sans discontinuer et sur la plage, dans cet l’orage, tout a disparu. Moi je n’étais plus là, vu que j’étais super occupée à la colo. Quand il pleut on en profite pour que les mômes écrivent à leurs parents. Mais les copains m’ont raconté ce truc de fou, il parait qu’il a crié, mais vraiment crié, Aline pour que je revienne. Oui, j’ai oublié de vous dire que je m’appelle Aline. Et il a pleuré, mais vraiment pleuré, car il avait trop de peine. Après il s’est assis auprès de mon âme, mais dame ! j’avais disparu. Moi l’été, j’avais pas que ça à faire de chanter sur les plages et poser en maillot de bain, fallait que je bosse pour payer mes études. Après ça, on a dit qu’il m’a cherchée sans trop y croire et sans un espoir pour le guider. Heureusement que je ne lui avais pas dit où je bossais, imaginez qu’il se soit pointé à la colo avec sa dégaine et sa guitare !


Dès que je mettais le nez dehors, y avait toujours quelqu’un pour me dire « Y a un mec qui te cherche partout ! Il arrête pas de crier Aline, pour que tu reviennes ». Moi je savais pas ou me mettre, tellement j’avais la honte. Le pire, ça a été le jour où il s’est mit refaire beau. Quand j’ai déboulé sur la plage avec les mômes de la colo, je l’ai tout de suite aperçu là bas, avec sa guitare, près de son tas de sable. Heureusement il ne m’a pas vue, trop occupé qu’il était en train de pleurer, mais pleurer, c’est sûr qu’il avait trop de peine. Je ne vous dis pas comment je me suis planquée vite fait derrière les plus grands. Heureusement c’était la fin des vacances et je suis rentrée à Paris sans le revoir.


C’est Mireille qui m’a appelée la première, elle écoutait « Salut les copains » tous les jours. « T’as entendu », qu’elle me dit, « le mec, il te cherche toujours, allume vite sur Europe n°1 » J’ai allumé et j’ai entendu qu’il n’avait gardé que mon doux visage, comme une épave sur le sable mouillé. Alors là ! ça m’a mise dans un état ! Moi, une épave ! Après ça, il pouvait bien crier et encore crier Aline, pour que je revienne ! Il pouvait bien pleurer et re pleurer et avoir trop de peine, moi l’épave, elle me restait là !


Surtout qu’après ça, tous les copains ne m’ont pas ratée. Dès qu’on me voyait arriver, y en avait toujours un pour dire « tiens voilà l’épave, qui veut faire le sable mouillé ? ». A cause de se mec là, ma vie a été un enfer. Si je le retrouve un jour, je lui en dirai deux mots et je vous jure que ce ne seront pas des mots bleus !


Merci Christophe !


18/05/2010

Moi, je m’appelle Cécile !


Un jour, mais il y a de ça très longtemps, un type qui est venu brailler sous ma fenêtre en pleine nuit. Il disait que, comme l’assassin il revenait sur les lieux de son crime, mais son amour n’était pas mort et il voulait recommencer. Il était complètement bourré et se prenait pour Roméo. Moi qui venais juste d’aménager dans cet appart, ça commençait mal, j’ai pas fermé l’œil de la nuit. Le matin quand je suis descendue, la concierge m’attendait dans le hall

- Alors c’est vous la fameuse Marie Christine, qui fait hurler sous son balcon en pleine nuit ?

- Ah non ! moi je m’appelle Cécile et j’ai rien à voir avec cet ivrogne, je ne le connais pas

- Ah bon ! pourtant il était bien sous votre balcon.

Il était sous mon balcon et alors ! Qu’est-ce que je pouvais y faire ?


La nuit suivante il est revenu et ça a recommencé. Il était complètement rond et il disait qu’il était rongé de remords, qu’avant il était un vrai salaud, mais il jurait qu’il avait bien changé. Là, il venait de trouver un boulot et il avait balancé son dictionnaire de rimes. Moi je n’arrivais pas à dormir et quand je suis descendue le matin, tous les voisins de la cage d’escalier m’attendaient dans le hall.

- Allez Marie Christine ! disait l’un. Montrez-vous magnanime, donnez lui une chance encore !

J’avais beau dire que je m’appelais Cécile, personne ne m’écoutait

- Vous voyez bien qu’en lui il a du bon, disait un autre

- Il n’écrit plus de chanson, rajoutait la concierge.

J’ai quand même réussi à me sauver, cependant je peux vous dire que je n’en menais pas large. Mais qu’est-ce que je pouvais faire ?


Bien sûr, ça ne s’est pas arrêté là, car la nuit suivante il est revenu avec tous ces copains. Ils étaient tous complètement saouls, sous mon balcon. Ils étaient là en train de pousser des cris unanimes et me demandant de ne pas faire la sourde oreille. Sourde ! voilà bien comment j’aurais voulu être à ce moment là. Ça a encore duré toute la nuit, mais le matin y avait personne dans le hall, quand je suis descendue, là j’étais soulagée. Cependant, quand je suis sortie dans la rue, tout le quartier était là.

- Allez Marie Christine ! donnez lui une chance encore, recommencez !

- Vous voyez bien que maintenant ses copains rigolent sans lui

- D’ailleurs ils sont là, vous n’avez qu’à leur demander

Moi, je n’ai même pas essayé de leur dire que je m’appelais Cécile, ça n’aurait servi à rien. Alors je l’ai laissé monter chez moi, puisque ça faisait plaisir à tout le monde et j’ai attendu qu’il dessaoule. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ?


Quand il s’est réveillé vers cinq heures de l’après midi, il m’a demandé qui j’étais, je lui ai répondu que je m’appelais Cécile. Quand il m’a demandé où était Marie Christine et je lui ai répondu qu’elle était partie et que j’étais la nouvelle locataire. Je lui ai proposé un café, il en a repris trois tasses et il est parti en me disant qu’il allait chanter. Quelques années plus tard, quand j’ai entendu la chanson où il parlait de sa fille Cécile, ça m’a fait quelque chose. Mais lui, qu’est-ce que ça pouvait lui faire ?



09/05/2010

La saison des lilas


Ce gars là, c’est un mec impossible. D’abord il m’apporte des lilas, alors que je préfère les roses. Et quand il dit qu’il en apporte toutes les semaines, tu parles ! La saison du lilas ça dure à tout casser un mois, pas plus ! En outre, il veut me faire prendre le tram trente trois ! Le tram trente trois, je ne suis pas malade ! Et pourquoi pas le treize, tant qu’il y est ! C’est comme les frites ! Je ne sais pas où il est allé chercher que j’aime tant ça. A la rigueur celle de ma mère, mais surtout pas celle de chez Eugène, elles ont un goût d’huile rance. Oh là qu’est-ce que j’entends ! Faut pas compter sur moi pour lui faire la crèche à Noël et puis il faut qu’il aille revoir sa géographie, parce que l’Amérique, c’est pas chez moi ! Dis donc cousin Joël, occupe toi de tes affaires et laisse moi tranquille ! J’aime bien le cinéma, ça c’est certain, mais me faire peloter dans le noir, par un type qui me bave des « je t’aime » dans le cou, beurk !


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça ,certainement ! Je suis toute sa vie, fatalement ! Et puisqu’il m’attend et bien qu’il attende !


Il est con ce mec ! Qu’est-ce qu’il fout à rester sous la pluie. Remarque pour les lilas c’est plutôt bien, vu l’allure qu’ils ont. Mais moi, c’est sûr que je ne risque pas d’aller me tremper avec lui. Le tram trente trois il ferait mieux de le prendre avant de devoir aller le dire à son médecin. Pour les frites c’est moins grave, ça lui évitera d’attraper du cholestérol. Et qu’il regarde bien l’horizon pour apercevoir l’Amérique, moi je me garde bien de ne pas être sur la trajectoire, quant à toi Gaston, occupe toi plutôt de tes oignons ! Pendant ce temps, moi je suis à l’abri au cinéma, sans personne pour me peloter dans le noir et me baver des « je t’aime » dans le cou.


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça ,certainement ! Je suis toute sa vie fatalement ! Et puisque je n’arrive pas, qu’il m’attende encore !


Il a jeté ses lilas, c’est plus la peine que j’y aille, en plus tout est fermé : Eugène, le cinéma et le reste. Même le dernier tram s’en va. ! Il est là tout petit avec ses « je t’aime », faudrait vraiment rien avoir d’autre ! Il a encore un œil sur l’espoir et l’autre sur l’Amérique et moi j’aimerais mieux qu’il ne me voit pas. Dis-moi cousin Gaspard ! qu’est-ce que je ferais avec un type comme lui ?


Je suis très jolie, ça c’est sûr ! Je suis tellement tout ça, certainement ! Je suis toute sa vie, faut voir ! Et puisque je ne viendrai pas, qu’il m’attende encore un petit peu !


Ça alors il est revenu avec des lilas ! Je sais pas comment il a fait, maintenant on n’en trouve plus nulle part. En plus, ce sont des lilas violets comme je les aime, ceux qui sentent si bon ! J’ai envie de prendre le tram trente trois pour aller manger les bonnes frites de chez Eugène. Gaspard cesse de faire le bavard, Gaston occupe toi de tes oignons et Joël retourne à tes sauterelles. Si moi j’ai envie d’aller au cinéma ça me regarde. Et si dans le noir j’ai envie qu’il me glisse des « je t’aime » dans le cou, c’est parce que j’aime bien ça !


Merci Grand Jacques.


14/04/2010

Charité bien ordonnée commence par …


Il y a fort longtemps, dans un monastère dont le nom n’est pas parvenu jusqu’ici, un jeune novice venait d’être affecté comme apprenti auprès des moines copistes, chargés de reproduire et d’enluminer des manuscrits contenant le droit canon et les dogmes de l’Eglise.


En les regardant travailler, le jeune homme remarqua que les moines réalisaient leur travail, non pas à partir du manuscrit original, mais à partir de la copie précédente. Il en fut fort troublé, car cela lui semblait contraire aux règles de rigueur les plus élémentaires.


Il alla donc s’en ouvrir à l’armarius du scriptarium, qui le remit vistement à sa place de novice.

- Sanguienne, cela fait des siècles, que nous laborons ainsi ! Ce n’est pas ce béjaune qui va céans, me ramentevoir mon ouvrage ! »


Mais dans son appétit de bien faire, le moinillon qui ne s’avoua pas vaincu, s’en fut plus haut, mander audience auprès du supérieur du monastère, qui s’empressa de donner réponse à sa requête, tant le damoiseau était fort à sa guise.

- Votre demande est pertinente mon fils, aussi irons-nous dès demain, vérifier avec les originaux.


Le lendemain ils descendirent tous les deux vers les profondeurs du monastère, dans une cave voûtée où étaient précieusement conservés les parchemins originaux. Cela faisait moult siècles que personne n’y avait mis les pieds et les scellés des coffres étaient intacts. Il leur fallut plusieurs jours pour contrôler les écritures à la lumière de leurs chandelles. Quand ils étaient trop las, ils s’allongeaient quelques heures, puis ils reprenaient leur ouvrage avec méthode et application. Dans les moments de repos, le père supérieur se laissait parfois aller à des débordements de tendresse, laissant ses mains amignonner le jeune novice, puis il se reprenait vite en se signant, tandis que le novice sentait monter en lui des émotions déconnues jusqu’alors.


Au bout d’une semaine, n’ayant trouvé aucune erreur, le père supérieur proposa de remonter, sentant bien qu’il ne résisterait plus longtemps à la tentation. Mais le jeune novice, qui avait décidément le sens du travail bien fait, osant résister à l’autorité, ne s’arrêta qu’au dernier rouleau. Bien lui en prit, car c’est sur celui-ci que se trouvait la seule et unique erreur. Erreur unique, mais non des moindres : On avait remplacé le vœux de charité par celui de chasteté.


A cette découverte, ils se tombèrent dans les bras et se laissèrent gagner par l’appétit qu’ils avaient d’eux même, se donnant l’un à l’autre sans pécher, puisque de péché il n’y en avait point. Ils restèrent là encore une semaine à se mignarder, s’ococcouler, se patisser et se coqueliquer, jusqu’à ce que l’appel des autres moines, inquiets de ne les voir remonter, vint les arracher à leur charmement.


Cependant conscient de l’importance de leur découverte, ils n’avaient pas trouvé bon d’en informer les autres tout de suite, il fallait d’abord s’en référer à sa sainteté le Pape. Dans les temps qui suivirent, le père supérieur prit le chemin de Rome emmenant avec lui son novice, car il ne pouvait plus se passer de lui.


- Vous n’y pensez pas ! avait dit le Pape en lisant le parchemin. Imaginez le désordre que cela produirait dans les couvents et les presbytères, si le clergé devait renoncer à la chasteté.

- Mais votre sainteté, c’est écrit ! avait répondu le supérieur du monastère, sentant s’écrouler autour de lui, un monde qu’il venait à peine de contacter.

- Suffit ! asteure c’est moi le chef de l’Eglise ! N’oubliez pas que je détiens l’infaillibilité pontificale Renfermez-moi tout ça, dit-il en désignant les documents. Rentrez chez vous ! Remettez les scellés sur les coffres, les coffres dans la cave et condamnez votre souterrain ! Qu’on ne le retrouve jamais !


Le voyage de retour fut d’une tristesse incommensurable, tant celui de l’allée avait été tout le contraire. Le père supérieur se tenait maintenant à distance de son novice, afin de ne point succomber à la tentation. Au monastère, l’ordre papal fut exécuté et le novice s’en alla vers un autre couvent, tandis que le père supérieur sombra dans la mélancolie.


Quelques siècles plus tard, quelqu’un redécouvrit l’imprimerie et l’assemblage des caractères fut alors composé à partir de la dernière copie, qui devint à son tour le manuscrit de référence. Plus tard encore, le monastère dont le nom n’est pas parvenu jusqu’ici, périt sous les coups de la révolution et les moines qui survécurent s’éparpillèrent dans les alentours.


Récemment, c’est en creusant sous la rue Didot pour construire des parkings, que l’on a découvert une cave voûtée qui daterait du haut moyen âge, renfermant des coffres remplis de parchemins manuscrits. Cela ferait des siècles que personne n’y aurait mis les pieds et les scellés des coffres seraient intacts. Au cours d’une nuit sans lune, un groupe non identifié s’est introduit dans les lieux afin de récupérer le trésor, avant qu’il ne soit classé au patrimoine historique. Il s’agirait d’une opération mandatée par les archives secrètes du Vatican. L’étude des parchemins aurait été confiée à un éminent Père de l’Eglise, qui aurait découvert le secret du dernier rouleau et l’aurait confié au Pape.


- Vous n’y pensez pas ! lui aurait répondu celui-ci. Imaginez le désordre que cela produirait pour les biens de l’Eglise, si le clergé devait faire vœu de charité.

- Mais votre sainteté, c’est écrit ! aurait dit le Père de l’Eglise, pour qui ce qui est écrit est écrit.

- Suffit ! maintenant c’est moi le chef de l’Eglise ! N’oubliez pas que je détiens l’infaillibilité pontificale. Renfermez-moi tout ça, aurait-il dit en désignant les documents. Remettez les scellés sur les coffres et jetez les tous dans le trou d’où ils viennent, pendant qu’on coulera la chape de béton sur eux. Et qu’on ne les retrouve jamais !


Un jour, dans très longtemps, fouillant pour étudier la civilisation des derniers siècles de l’ère chrétienne, on découvrira au milieu d’un bloc de béton, les coffres scellés remplis des parchemins manuscrits qui seront restés intacts. Après avoir lu le dernier rouleau, un éminent historien spécialiste en droit canon et dogmes catholiques en déduira, suivant une rigueur intemporelle des plus élémentaires, propre à toute analyse historique : En ces temps là, charité bien ordonnée commençait par l’Eglise.


Glossaire :

Armarius : bibliothécaire dans un monastère au Moyen Âge. Il distribuait le travail entre les copistes et les enlumineurs.

Scriptorium : Atelier dans lequel les moines copistes réalisaient des copies manuscrites

Vistement : rapidement

Sanguienne : Sang de Dieu (juron)

Laborer : travailler

Béjaune : jeunet (jeune oiseau avec un bec encore jaune)

Se ramentevoir : se rappeler

Amignonner : caresser tendrement

Déconnu : inconnu

Appétit : désir

Se mignarder : se caresser

S’ococcouler : se blottir

Se patisser : se peloter

Coqueliquer : faire l’amour

Charmement : enchantement

Asteure : à cette heure, maintenant