Comme tous les soirs à la même heure, je suis en train de faire le tour du pâté de maisons, accrochée au bout de la laisse, tirée par le chien. Comme tous les soirs, il renifle les coins de trottoir, le bas des murs et le pied des arbres. De temps à autre il lève la patte, puis il reprend sa marche débile, la queue en l’air. Il a le même allure idiote qu’ont tous les chiens, lorsqu’ils trottinent en nous offrant le spectacle affligeant de leur derrière, se tortillant au rythme de leur déambulation.
Puis, à force de mouvements, vient le moment ou il s’immobilise dans cette posture sidérante de vulgarité : il s’aplatit le derrière au sol, prend l’air de celui qu’il ne faut pas déranger, tant ce qu’il a à faire est important. Puis il se relève, renifle sa production et repart, dirigeant ses pas vers un sac poubelle suspendu à son support, à une longueur de laisse de là.
Moi, en apnée, la main enveloppée d’un sac plastique prévu à cet effet, je saisis la matière encore fumante ; puis je retourne le sac et enferme le tout, pendant que cet idiot de chien attend debout, en appui sur le support de poubelle, que je vienne y déposer son œuvre. L’opération terminée, comme rassuré, il repart tout guilleret, la queue toujours en l’air, vers la rue suivante.
Si nous croisons une femelle de son espèce, traînant dernière elle, un ahuri de mon acabit, en train de faire le tour du pâté de maisons dans l’autre sens, ils s’excitent et nous nous embrouillons dans les laisses. Pendant que les deux autres se poupounent la truffe et se flairent le trou de balle, l’ahuri me raconte la dernière portée qu’il a fallu chloroformer, à cause que sa belle était allée fauter avec un bâtard, le jour où le mécanisme de l’enrouleur s’étant enrayé, il avait dû la libérer de ses attaches. Il n’est donc pas question, que mon roturier de ienche aille forniquer avec l’aristo et lui polluer sa race ! Nous atteignons les sommets de l’absurde !
Repue d’aventures canines et vespérales, je rejoins mes quartiers, après avoir convaincu le manant, que l’autre n’était qu’une pimbêche. Et pour le remercier de tant d’obéissance je le détache. Au lieu de profiter de sa liberté, pour aller voir ailleurs, cet imbécile s’empresse d’aller m’attendre devant la porte de l’immeuble. Assis sur son derrière, il me regarde venir avec un air de soumission qui le rend si pathétique, que je ne peux m’empêcher d’avoir pitié de lui.
Qu’est que je fais avec ce chien ? C’est ce que je me demande tous les jours, depuis que les croquettes ont investi ma cuisine, depuis que je ressors du canapé couverte de poils, depuis qu’une odeur de fauve a envahi tout l’appartement. Depuis qu’amoureuse de son maître, je les ai accueillis tous les deux sous mon toit.
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