07/12/2008

Au petit bal du samedi soir.



Dès que le DJ avait mis « Love me today » sur la platine, Dédé avait foncé vers Josiane. Pour rien au monde il n’aurait voulu rater le premier slow avec elle. Cela faisait plus d’une heure qu’il attendait ce moment, en la regardant gesticuler sur des rocks, des salsas et autres musiques de sauvages.


Car pour Dédé, danser, mais danser sérieusement, c’était tenir une belle fille dans ses bras et s’agiter doucement d’un pied sur l’autre, sur des rythmes langoureux. C’était se balancer ensemble et échanger quelques phrases en prélude à un petit flirt; qui avec un peu de chance aboutirait à une nuit de plaisir, voire avec encore plus de chance, à une rencontre sérieuse. Une rencontre prometteuse de soirées tranquilles, sur un canapé confortable, en chaussons devant la télé, avec une femme à soi.


Mais pour en arriver là, il lui fallait chaque samedi soir, patienter pendant des heures au bar, un verre de bière à la main. Et bien souvent, lorsque la série de slows arrivait, il s’était mis dans un tel état, qu’à son approche les filles baissaient les yeux, ou se retournaient carrément afin d’éviter son haleine. Il ne lui restait plus alors, qu’à retourner s’en jeter une dernière, avant de rentrer chez lui, seul.


Mais ce soir là, dès qu’il avait aperçu sur la piste cette brunette pétillante, il avait fait vœu de sobriété et s’y était tenu. Lorsqu’il s’était présenté devant elle, d’un large sourire elle avait accepté l’invitation, puis elle s’était installée dans ses bras avec une aisance naturelle qui avait laissé notre Dédé tout décontenancé. De sorte que ne sachant plus quoi dire, intimidé, il s’était tu. C’est ainsi qu’elle échappa aux banalités d’usage, concernant l’endroit où elle habitait et la régularité avec laquelle elle fréquentait ce lieu.


Dédé allait se livrer à ses habituelles oscillations apathiques, lorsqu’il sentit entre ses bras l’énergie communicative d’un corps ferme et tonic. Il recevait là quelque chose d’indéfinissable mais de précieux, qu’il devait à tout prix sauvegarder. Soudain conscient de ses responsabilités, il se mit à guider la danse avec conviction. Elle le suivait légère, il avançait porté par la musique. Sans trop savoir comment, il la fit tourner en se rappelant les toupies de son enfance. Lorsqu’elle revint tout contre lui, il ressentit avec une intensité inconnue, la présence d’une femme vibrante et généreuse. Tant d’émotions, c’était une grâce, un délice. C’était le plaisir subtil de la danse en couple.


Depuis, Dédé a appris la valse, le tango, la java, le rock et la salsa. Il a renoncé à la bière et n’a plus le temps de traîner autour du bar, car chaque samedi soir, dès qu’il entre sur la piste, toutes les filles se retournent sur lui.


Mais lui, il préfère inviter Josiane.



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